D ANS la campagne des municipales à Paris, la réalité dépasse la fiction. Qui aurait imaginé, il y a un an ou deux, que de tels psychodrames se succéderaient à un rythme aussi accéléré dans la capitale ?
Qui aurait pensé que la forte carrure de Philippe Séguin ne serait pas venue à bout de ses adversaires de droite, au premier chef Jean Tiberi, ou de gauche, Bertrand Delanoë ? Qui aurait misé un sou sur le candidat socialiste, qui ne s'attendait pas à un effondrement de la candidature Tiberi sous le double coup des « affaires » et du désaveu des gaullistes ?
Il est donc arrivé à Paris ce qui ne devait pas arriver. D'abord la justice n'a pas rattrapé Jean Tiberi dont l'épouse, jusqu'à présent, reste indemne de toute poursuite judiciaire et dont la capacité de nuisance reste énorme à droite, au point de contribuer presque assurément à sa défaite. Ensuite, Philippe Séguin, bien qu'il soit soutenu par l'Elysée, a mis au point une stratégie électorale tellement compliquée qu'elle ne réussira qu'à faire le jeu de la gauche. Constamment partagé entre la morale politique, assortie d'une excessive humilité, et la volonté de gagner cette bataille difficile, le candidat du RPR a objectivement affaibli son propre camp, qui a beaucoup de mal à le comprendre. Il a sous-estimé M. Tiberi et son entêtement ; il s'est privé hâtivement du concours de Jacques Toubon ; il n'a pas voulu être tête de liste ; il s'est dit indépendant de Jacques Chirac au point d'annoncer la réforme du système instauré, qu'on l'admette ou non, par l'ancien maire de Paris, mais il n'a pas boudé le soutien de Bernadette Chirac.
Tant et si bien qu'il perd sur tous les tableaux : s'il faut réformer le système mis au point par le RPR, le RPR n'est pas le mieux placé ; si M. Tiberi compte encore, il vaut mieux le réintégrer à droite. « If you can't beat them, join them. »
Mais non, M. Séguin ne mange pas de ce pain-là. Certes, il n'a pas tout à fait tort, car il risque bien, s'il lève l'anathème jeté par le RPR contre le maire actuel, de devoir lui céder la place le jour de la victoire. M. Tiberi ne se bat pas pour obtenir un poste de conseiller municipal, mais pour être reconduit dans ses fonctions. Et s'il doit périr politiquement, il entraînera toute la droite avec lui.
Du coup, le gentil et cohérent Bertrand Delanoë devient l'alternative crédible. Il n'est pas assis sur un panier de crabes ; il a autour de lui des hommes ou des femmes qui peuvent confirmer les gains de la gauche aux dernières élections municipales ; et si les Parisiens sont majoritairement de droite, ils sont las, aussi, des scandales où sont impliqués les élus qu'ils ont choisis il y a six ans, des tergiversations de l'incorruptible mais compliqué Séguin, de cette bataille à couteaux tirés entre M. Tiberi et le RPR à laquelle il était fatal que, tôt ou tard, Philippe Séguin fût mêlé, lui qui, il y a quelques mois encore, affectait d'ignorer le maire sortant.
Si une idée claire peut surgir de cette inextricable mêlée, c'est que ni Jean Tiberi ni Philippe Séguin ne sont en mesure de l'emporter et qu'en conséquence ils ne sont ni l'un ni l'autre le bon candidat. La droite a donc le choix : soit accepter sa défaite avant l'heure et aller au combat la mort dans l'âme ; soit désigner un nouvel homme lige.
Ou une femme lige. Françoise de Panafieu, bousculée naguère par le corpulent Séguin, apparaît aujourd'hui sous les traits du candidat sauveur. Mais, d'une part, le RPR n'aura sans doute pas le courage de se déjuger une nouvelle fois ; d'autre part, la colère de M. Séguin, arraché aux Vosges pour la bonne cause et chargé, une fois encore, d'accomplir une tâche impossible, risque d'être vengeresse. Enfin, humiliation ultime à laquelle elle n'est peut-être pas préparée, Mme de Panafieu devrait conclure un traité de paix avec Jean Tiberi en lui offrant un fauteuil, et pour autant qu'il l'accepte. Il est minuit, M. Chirac, et si vous voulez garder Paris, le seul moyen est l'union des forces de la droite. Pour cette démarche, le temps est compté. Quant à la volonté, elle n'est pas apparente.
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