Les RDV du Quotidien : Médecins-pharmaciens

Passer de la suspicion à la coopération

Publié le 25/11/2013
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DEUX MONDES. À l’issue de neuf mois de pérégrinations aux quatre coins de l’Hexagone et près de 130 réunions plus tard, le constat s’impose : médecins et pharmaciens ne se connaissent pas. Dans le meilleur des cas, « ils se côtoient mais ne se fréquentent pas », explique cet officinal quimpérois (Finistère). Du moins sur le plan professionnel… Pas plus, d’ailleurs, que les uns et les autres « n’ont de rapports professionnels réguliers avec les infirmières », surenchérissent ces médecins castelroussins (Indre).

Plus de quatre ans après le vote de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), rien ne semble donc avoir changé au sein du monde de la santé. Les professionnels du premier recours n’ont toujours pas tissé de liens véritables, alors même qu’ils étaient censés constituer une chaîne de soignants afin de mieux prendre en charge les patients. En clair, « la logique des tuyaux d’orgue prédomine toujours », résume un brin dépité ce pharmacien ruthénois (Aveyron).

La mise en musique des réformes.

D’où une certaine méfiance – pour ne pas dire une méfiance certaine – des uns vis-à-vis des autres. En particulier, « lorsque le champ des compétences évolue et que les périmètres respectifs sont modifiés », regrette cette pharmacienne guingampaise (Côtes d’Armor). Or ces évolutions semblent inéluctables. D’abord parce que les gouvernements successifs et le législateur entendent bien promouvoir les coopérations interprofessionnelles. Ensuite parce que la crise économique réduisant ses marges de manœuvre, l’Assurance-maladie compte bien compenser le manque de recettes par un redéploiement des dépenses. Et, dans cette optique, la politique conventionnelle apparaît clairement comme l’occasion de mettre en musique ces réformes.

Il sera toutefois difficile « d’emporter l’adhésion de professionnels malmenés sans prendre le temps de leur expliquer l’intérêt de cette évolution et sans leur procurer une motivation digne de ce nom », explique ce médecin carpentrassien (Vaucluse). Deux maux qui semblent malheureusement avoir accompagné toutes les réformes du système français de santé. À l’instar de la reconnaissance du droit de substitution, qui devait contribuer à l’essor du marché du médicament générique, les nouvelles missions dévolues aux officinaux dans le cadre de la dernière convention pharmaceutique, sont ainsi très mal vécues par des praticiens le plus souvent le « nez dans le guidon et peu au fait de la teneur de ces entretiens », regrettent ces pharmaciens malouins (Ille-et-Vilaine). De même, les revalorisations successives du C dont le montant global n’en reste pas moins faible, sont interprétées comme « des avantages accordés à une catégorie de professionnels de santé au détriment de tous les autres » ajoutent encore ces médecins de Forges-les-Eaux (Seine-Maritime).

Mieux se connaître.

Difficile dans ces conditions de faire bouger les lignes ! La volonté de communiquer davantage semble pourtant bien présente chez les médecins comme chez les pharmaciens désireux de travailler plus souvent en coopération. Or « point de coopération efficace sans communication ! », déclament quasiment sur le même ton ces professionnels varois, ardéchois, drômois, ariégeois, finistériens, costarmoricains, morbihannais, landais, mosellans, nordistes… Car du sud à l’ouest et du nord à l’est de la France le même message revient : praticiens et officinaux ont besoin de mieux se connaître pour bien travailler ensemble. Car « les patients sont de plus en plus complexes et nécessitent des attentions particulières qui sont souvent personnalisées », explique ce pharmacien de Montélimar (Drôme). La chronicisation d’un certain nombre de pathologies et l’augmentation du nombre de patients souffrant de pathologies chroniques, nécessitent ainsi de dialoguer et de collaborer les uns avec les autres, « ne serait-ce que pour adapter les traitements ou du moins les posologies », ajoute son confrère ruthénois (Aveyron).

Et ce n’est pas la réforme des études de santé qui changera la donne. Outre le fait qu’il faudrait attendre une petite dizaine d’années, la première année commune aux études de santé (PACES) a plutôt « aggravé la situation en incitant les mieux classés à choisir médecine et les moins bons pharmacie », déplorent ce médecin et cette pharmacienne limougeauds (Haute-Vienne). D’où le souhait exprimé par ces professionnels de voir les formations continues communes se développer. « Puisque la formation médicale continue (FMC) et la formation pharmaceutique continue (FPC) sont devenues développement professionnel continu (DPC), il serait cohérent d’aller jusqu’au bout de la logique et d’organiser des cessions communes aux deux professions autour d’une pathologie ou d’un domaine thérapeutique », explique ces professionnels troyens (Aube).

Outre une « optimisation de la prise en charge du patient », les uns et les autres considèrent que « ces moments d’échanges contribueraient à mettre à plat des problèmes qui, à l’instar des médicaments génériques, n’ont pas lieu d’être ». Ces objets de fantasmes de la part des prescripteurs, toujours inquiets de voir les dispensateurs remettre en cause leur prescription, seraient ainsi démystifiés. « Les critiques dont pâtissent ces copies de princeps, en particulier sur leur qualité ou encore leur moindre dosage, tomberaient d’elles-mêmes », va jusqu’à préconiser un officinal de Blois (Loir-et-Cher). À charge ensuite à l’Assurance-maladie de responsabiliser les patients en durcissant les conditions nécessaires pour bénéficier de médicaments princeps. Une évolution qui trouverait toute sa raison d’être dans le cadre du développement des rémunérations sur objectif de santé publique (ROSP)… Mais qui nécessiterait une volonté politique.

Des Rendez-vous du « Quotidien du Médecin » et du « Quotidien du Pharmacien » organisés avec le soutien institutionnel des laboratoires Mylan.

STÉPHANE LE MASSON
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Source : Le Quotidien du Médecin: 9283