ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
D ES ses débuts, Picasso révèle un attrait puissant, et inquiet, pour la physiologie féminine qu'il explore avec une rage conquérante, une verve puissante, une originalité inégalée.
Tracer à travers son uvre un chemin qui revendique spécifiquement l'érotisme, c'est traverser toutes ses périodes et découvrir le passage des femmes qu'il a aimées. En particulier, dans la période faste de l'entre deux guerres, où il se partage entre la ténébreuse Dora Maar et la lumineuse Marie-Thérèse. On les retrouve l'une et l'autre en figures d'icônes, ici en femme qui pleure, là en odalisque épanouie. C'est que la peinture est aussi, pour Picasso, une sorte de journal intime où il laisse des traces de ses rencontres, de ses passions, de ses colères, de ses amours et de son désir.
Pour l'incarner, ce créateur de mythes se réfère à la figure mythique la plus adaptée à sa virilité inquiète : c'est le taureau, des corridas qu'il fréquente avec assiduité et en connaisseur, c'est le Minotaure, figure centrale dans son iconographie. Un monstre descendu des légendes antiques et revitalisé par les élans de l'Histoire telle que Picasso la lit et la traduit. De la guerre d'Espagne à sa propre intimité véhémente, ardente et passionnée, car partagée entre licence et religiosité. Il n'est pas Espagnol pour rien, et hanté, comme les siens, par les formulations vengeresses des paroles bibliques qui jettent l'anathème sur le sexe. Picasso, bien que peu pratiquant, et ne manifestant nulle sympathie pour l'Eglise, n'échappe pas au dilemme de l'Occidental, pour qui l'érotisme est aussi une entrée vers la mort, une mort en suspens.
Dans le même temps, Picasso développe toute une scénographie à la fois gaillarde et narquoise, où l'amour est une affaire qui fonctionne à trois, l'amoureux, l'aimée et le voyeur. L'artiste souvent, à la fin de sa vie, qui se met en position de regardeur d'un amour devenu impossible mais qui le hante jusqu'aux dernières heures. Il est pathétique de confronter les uvres de sa jeunesse ardente, avec ces toiles peintes alors que la virilité s'en est allée et que le désir taraude encore...
Aux tableaux, dessins et gravures qui balisent ce territoire d'Eros et de Thanatos, s'ajoutent des poèmes et cette pièce qui rappelle Alfred Jarry, « Le désir attrapé par la queue ».
Un titre qui en dit long sur son regard érotique sur le monde.
Galerie Nationale du Jeu de Paume, jusqu'au 20 mai. Tous les jours, sauf le lundi, de 12 h à 19 h. Entrée 45 F (51 F sur réservation au 08.92.68.46.94). Catalogue édité par la RMN. Dans le même temps ( jusqu'au 17 mars), la galerie Patrice Trigano, 4, bis rue des Beaux-Arts, présente 15 planches issues d'une suite de 156 réalisées dans les années 1970.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature