I L y a des moments où l'on se sent bien seul. A la lecture du texte de l'américaine Eve Ensler, « les Monologues du vagin », avouons-le, nous avions été bien déconcerté par la naïveté du propos, étonné par sa philosophie conventionnelle, peu sensible à sa force auto-proclamée relayée par un metteur en scène qui ne comprenait pas que l'on passe à côté d'un tel chef-d'oeuvre.
La critique n'étant pas une science exacte, on le répète souvent, devant le succès de cette production qui, après avoir été très longtemps jouée par Fanny Cottençon, vient d'être reprise par Sophie Duez avant Christine Boisson, nous nous sommes aventuré à « voir ».
Hélas ! Ce que nous avait appris la lecture de cette simili-conférence ne fait que s'accentuer à la représentation. Une femme s'adresse au public, explique ce que sont ces « monologues », explique pourquoi il lui semble si important que l'on ose prononcer le mot « vagin », la belle audace, raconte ses enquêtes d'Amérique en Bosnie. On se demande pourquoi Eve Ensler a choisi le mot « vagin » alors qu'elle ne parle que sexe, tout simplement. Sexe de la femme. Et jouissance. Et pour Madame Ensler, un bon clitoris vaut mieux qu'un vagin timide. Bref, il y a tromperie sur la marchandise... Ca commence mal !
Mais ce qui gêne, dans cette série de sketches, c'est que la philosophie qui s'en dégage est totalement machiste. Que la femme jouisse, d'accord, mais à la fin, et c'est le dernier texte, il lui faudra enfanter dans la douleur. Tout est bien qui finit bien, la morale est sauve.
Quant à la soi-disant dénonciation des crimes de Bosnie, on la trouvera dans le texte de Matei Visniec que vient de reprendre Guy Rétoré, un texte qui appelle un chat un chat, si l'on ose dire : « Le sexe de la femme comme un champ de bataille », plus que dans ces complaisants « Monologues ».
Ils ne disent rien d'autre effectivement que ce que des siècles de domination de la mâle pensée nous ont appris : « Toute la femme est dans l'utérus » (en latin de préférence). D'ailleurs, le mot « hystérique » ne cesse de revenir dans la pièce. Dès que quelque chose résiste à la narratrice ou à celles dont elle parle ou qu'elle fait parler, elles deviennent « hystériques » (sic).
Sophie Duez n'est pas en cause, qui prête sa belle allure, sa vitalité, sa sensualité à l'exercice. Mais une comédienne peut-elle se satisfaire d'imiter des femmes de tout âge, des petites filles à voix acide aux vieilles à la voix usée ? C'est un peu court. Non ?
Petit Théâtre de Paris, à 20 h 45 du mardi au vendredi, à 18 h 30 et 21 h le samedi (tél. 01.42.80.01.81).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature