Burn out, le cramage des émotions 

Plus sévère chez l’homme que chez la femme

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Publié le 10/10/2016
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Crédit photo : PHANIE

Tout le monde en parle, tout le monde connaît ou croit connaître quelqu’un qui en a souffert, mais personne ne sait clairement comment le caractériser. De fait, le burn-out n’est toujours pas entré dans la nosographie et ses éléments constitutifs font encore, à l'heure actuelle, l'objet de nombreux débats.

Bien qu’il ne soit donc pas officiellement une pathologie, ce syndrome « en progression parmi la population » n’a pourtant « rien d’anodin », explique le Dr Patrick Légeron, psychiatre à Paris et spécialiste de questions de stress au travail (1). Souvent désigné en français par les termes de « syndrome d’épuisement professionnel », le burn-out a été décrit pour la première fois aux États-Unis dans les années 1970. Si l’épuisement psychologique et physique entre bien dans le tableau clinique, le Dr Légeron regrette pourtant que cette traduction omette les autres éléments indispensables à la caractérisation du syndrome, comme « l’altération profonde des émotions qui conduit à un sentiment de déshumanisation ». Dans le burn-out, ce « cramage des émotions », comme le qualifie le psychiatre, s’accompagne également d’ « une perte du sentiment de réalisation de soi ». Ces trois dimensions qui sont décrites dans le Maslach Burnout Inventory (MBI), le test de référence d’évaluation de l’atteinte psychologique, doivent être toutes présentes pour que l’on puisse effectivement parler de burn-out.

Plus dure sera la chute…

Bien des chiffres circulent concernant le nombre de victimes de burn-out en France, mais en l’absence de caractérisation clinique précise, il est pour l’heure impossible de dresser un réel bilan. Si les femmes semblent être autant touchées que les hommes, Patrick Légeron estime cependant que « les conséquences pour chacun des sexes sont différentes ». Les formes les plus graves du burn-out, celles qui peuvent mener au suicide, seraient en effet plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes.

Selon le Dr Légeron, les raisons de ce phénomène s’expliquent en partie par « la personnalité » et par la manière différente qu’ont les hommes et les femmes de se comporter face aux injonctions émises par la société. « Sur le plan émotionnel, les hommes se distinguent notamment des femmes en cela qu’ils sont moins à l’aise avec leurs émotions. Ils ont du mal à les gérer et tendent même parfois à les nier », explique le psychiatre. Par ailleurs, il rappelle que « de nombreuses études montrent que les Français sont les Européens qui s’investissent le plus dans la sphère professionnelle ». Si l’on compare ces données à celles qui prouvent que « les gens qui craquent au travail sont ceux qui se surinvestissent » et que l’on admet que, dans notre société, « ce sont les hommes qui ont historiquement investi le champ du travail », il devient plus aisé de comprendre pourquoi ces derniers sont plus violemment impactés par le burn-out. Par ailleurs, le Dr Légeron rappelle que « notre modèle favorise beaucoup les attitudes mentales de performance et de combativité ». Comme il est « plus fréquent chez l’homme que chez la femme de se mener la vie dure » et donc de tendre vers ce modèle professionnel qui plébiscite les personnalités de type A, aux exigences élevées et à l’hyper-investissement professionnel, il n’est donc pas vraiment étonnant de constater que ce sont également ces hommes qui ont le plus de risque de développer un burn-out sévère, de même qu’on les savait déjà à risque plus élevé de maladies cardio-vasculaires.

 

Benoît Thelliez

Source : Le Quotidien du médecin: 9524