LE MÉTIER d’anesthésiste réanimateur comporte des facteurs de stress chronique incriminés dans la survenue de troubles de la santé au travail pouvant aller jusqu’au burn out. Le professionnel n’est pas non plus à l’abri de difficultés personnelles. Culturellement, il lui est pourtant plus difficile que d’autres personnes de se confier pour une prise en charge adaptée précoce, surtout quand la souffrance psychologique est au premier plan, conduisant à l’automédication pour tenter de faire face : « 80 % des médecins en France n’ont pas de médecin traitant et 60 % des praticiens hospitaliers ne se rendent pas en médecine du travail, pourtant obligatoire. On dénombre deux fois plus de suicides dans le corps médical (anesthésistes compris) que dans la population générale. Doit-on prendre ces faits comme une fatalité ? » s’interroge le Dr Doppia, vice-président du Collège français des anesthésistes réanimateurs (CFAR).
Les résultats de l’enquête SMART conduite en 2010 par le Collège (cf Le Quotidien du Médecin, 2010) ont incité la spécialité à agir : 77 % des répondants déclaraient avoir eu connaissance de cas de troubles de la santé au travail chez des confrères de leur établissement au cours des dix dernières années, sans avoir eu les moyens d’aider leur collègue en difficulté pour 65 % d’entre eux. Au final et sans surprise, 70 % des sondés déclaraient qu’ils accepteraient une aide extérieure, notamment via un numéro de téléphone, pour approcher un collègue en difficulté ou pour eux-mêmes… « La France doit aujourd’hui rattraper son retard par rapport à d’autres pays où des programmes performants sont élaborés depuis longtemps. Même si des initiatives existaient déjà, la spécialité d’anesthésie réanimation ouvre un nouvel espace avec une forte visibilité. Et nous n’en sommes qu’au début », explique le Dr Doppia.
Ainsi, la mise en place d’un Numéro Vert*, gratuit depuis un poste fixe, permet aujourd’hui d’accéder 24 heures/24 à un psychologue clinicien titulaire d’un master professionnel pour exposer et clarifier une difficulté psychologique. Et ce, quelle que soit son origine, personnelle ou professionnelle. Ce service est destiné à tout professionnel de la spécialité : interne, médecin du secteur public ou en libéral, mais aussi infirmier spécialisé qui partage avec le médecin le même espace de travail et les mêmes contraintes. « On peut aussi appeler pour recevoir un conseil pour aider un confrère ou un collègue. Fait notable, ce numéro est aussi accessible aux proches », précise le Dr Doppia. « Nous avons voulu un système intégré dont le numéro vert n’est qu’un élément parmi d’autres, dans un ensemble de ressources allant de l’information à l’orientation ». Les pages dédiées sur le site internet du Collège témoignent de cette mise en place originale (1).
Une orientation, pas une psychothérapie en ligne.
Ce nouveau dispositif innovant obéit à quatre principes fondamentaux : le professionnalisme, la confidentialité, l’orientation et la gratuité pour le bénéficiaire. « Il permet une orientation secondaire ciblée et s’intègre dans un ensemble de ressources (psychologues, réseaux addictions, autotests, base bibliographique, services de santé au travail, syndicats) selon un schéma d’orientation général validé par la Commission SMART du CFAR. En revanche, ce n’est pas une psychothérapie en ligne, ni un Ticket Psy pour dédouaner quiconque de ses responsabilités. N’oublions pas l’importance du collectif de travail et la force du lien social qui sont essentiels à la santé professionnelle », souligne le Dr Doppia.
Enfin depuis le site, la navigation dans les onglets Smart-Vie Pro permet de découvrir les ressources mises petit à petit à disposition des professionnels de la spécialité. Quant aux documents d’information et de communication, ils sont en téléchargement libre pour continuer de sensibiliser les professionnels. Un vrai pas en avant pour rompre l’isolement des professionnels, mettre des mots sur des difficultés professionnelles ou personnelles, dégager des pistes de résolution, ou encore aider un proche en difficulté. La commission va maintenant poursuivre son travail en planchant sur la prévention du suicide et ce qu’il faut mettre en place lorsque ce drame touche une équipe. « Nous sommes encouragés par le soutien reçu de programmes aussi reconnus que ceux du Québec et de Catalogne et cela nous incite à développer encore nos services, comme envisager la création d’un DPC Risques psycho-sociaux en anesthésie réanimation. Les mentalités peuvent changer et les tabous, tomber ! » conclut le Dr Doppia.
D’après un entretien avec le Dr Max André Doppia, CHU Caen, vice président du CFAR, commission SMART.
*0800 00 69 62
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