Pr Chen Zhu : « Favoriser les échanges au plan médical mais aussi politique »

Publié le 05/04/2011
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LE QUOTIDIEN – Les partenariats entre hôpitaux chinois et CHU français se précisent. Quel en est le but ?

Pr CHEN ZHU – La Chine a identifié seize villes pilotes pour expérimenter sa réforme des hôpitaux publics. Chaque CHU français volontaire va aider un réseau d’une dizaine d’hôpitaux chinois environ. Le séminaire du mois d’avril à Pékin, en présence de la secrétaire d’État Nora Berra, sera une étape importante. Les médecins français auront un grand rôle à jouer. Le but est de favoriser les échanges de personnel et les projets de recherche communs, au plan médical mais aussi politique – et c’est peut-être ça le plus important. Faire des progrès sur une maladie permet d’aider certains patients, mais améliorer le système est bénéfique pour tous les patients. La gestion des hôpitaux et la planification régionale des ressources, développées en France, nous intéressent beaucoup. La Chine est en recul sur ces aspects-là.

En Chine cohabitent des médecins ayant fait 3, 5, 7 ou 8 années d’études. Comptez-vous uniformiser la durée des études médicales pour doper la qualité des soins ?

La Chine compte 3 millions de médecins. Uniformiser, c’est idéal, mais c’est difficile. Il existe de grandes différences entre les villes et les campagnes. Je pense qu’on doit tolérer dans le système d’éducation médicale différents curriculums. Une majorité de médecins devrait faire cinq années d’études, suivies par trois années d’internat. Dans certains CHU faisant de la recherche, les sept années d’études restent nécessaires. Pour les régions rurales, la formation en trois ans peut suffire pour les soins de base, le suivi des maladies chroniques et la prévention. Notre besoin de formation continue est fort, notamment pour les médecins de village. Les médecins aux pieds nus n’existent plus, cette tradition s’est perdue. Nous pensons qu’il faut restaurer le système public offrant les soins médicaux de base. C’est pourquoi nous allons former une nouvelle génération de médecins généralistes. L’objectif est de former 200 000 médecins généralistes d’ici à 2015, c’est-à-dire 40 000 par an, sachant que la Chine forme 90 000 médecins par an.

Souhaitez-vous que les cabinets de médecine générale français accueillent des stagiaires chinois, à la manière des CHU qui reçoivent des internes ?

C’est mon désir. Pour l’instant, ce sont plutôt des Français qui vont en Chine pour donner des cours sur la médecine générale. Dans le futur, il faudrait faire venir des étudiants et des médecins chinois en France, pour qu’ils voient ce qui se passe en ville. Un gros enjeu sera de fixer les médecins dans les campagnes, pour qu’ils y restent.

La France n’a pas résolu la question des « déserts médicaux ». Comment la Chine, immense et par endroits réellement désertique, peut-elle lutter contre le phénomène ?

Il faut définir une série de politiques favorisant le travail des médecins à la campagne. Je pense au niveau de salaire, à la possibilité de recevoir la formation continue, à la télémédecine pour ne pas se sentir isolé, à la possibilité de mobilité. Ce n’est pas nécessaire de travailler à la campagne toute la vie.

Après la France, vous partez au Maroc. Dans quel but ?

Je vais voir les médecins chinois qui travaillent là-bas. Depuis 1963, la Chine envoie des équipes médicales dans beaucoup de pays en voie de développement, surtout dans les pays africains. Ainsi, 20 000 médecins, chirurgiens, infirmiers chinois ont travaillé dans à peu près 40 pays différents. C’est énorme. Le but est d’offrir des soins et de former les personnels du secteur médical sur place.

PROPOS RECUEILLIS DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8938