En France, la Haute Autorité de santé (HAS) préconise en première intention pour corriger la carence martiale, l’utilisation du fer per os, qui est sûre, facile et peu coûteuse, mais dont l’efficacité n’avait pas, jusqu’à présent, été testée dans l’insuffisance cardiaque. Ce n’est qu’en cas d’intolérance de la voie orale ou d’inefficacité de l’administration de 100 à 200 mg de fer ferreux par jour pendant au moins 4 mois que la HAS recommande d’utiliser la voie veineuse. Or l’hypersécrétion hépatocytaire d’hepcidine, favorisée par l’état inflammatoire caractérisant l’insuffisance cardiaque dans ses formes évoluées, pourrait diminuer, à côté de l’œdème des villosités intestinales, l’absorption digestive du fer au cours de cette pathologie, rendant moins efficace la voie orale. Ainsi certains spécialistes préconisent le recours d’emblée à la voie intraveineuse malgré son caractère contraignant, puisque ne pouvant être réalisée qu’en milieu hospitalier en raison du risque de réactions anaphylactiques, et coûteux.
Deux études, IRONOUT-HF et EFFECT-HF, rapportées à l’AHA, ont apprécié les effets de ces deux modalités de correction de la carence martiale, par voie orale ou par voie intraveineuse, au cours de l’insuffisance cardiaque sur les capacités d’effort, estimées par l’étalon or, l’exploration cardiopulmonaire permettant la mesure du pic VO2, paramètre pronostique majeur au cours de cette maladie. Ces deux essais ont inclus des patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (FE < 40 % pour IRONOUT-HF, ≤ 45 % pour EFFECT-HF), symptomatiques, et une carence martiale, définie par une ferritinémie < 100 µg/l ou entre 100 et 300 µg/l avec un taux de saturation de la transferrine < 20 %, avec ou sans anémie.
Bonne tolérance du traitement per os
Les 225 patients de l’étude IRONOUT-HF ont été randomisés pour être traités en double aveugle, soit par un traitement oral de 150 mg x 2/j de polysaccharose de fer, soit par placebo. La variation du pic VO2 après 16 semaines de traitement par rapport à celui enregistré à l’inclusion, critère primaire d’efficacité, n’est pas significativement différente entre les patients sous traitement par fer per os et ceux sous placebo (0,30 ml/kg/min ; IC 95 % = -0,27 à 0,87 ; p = 0,30). Cette absence d’effet est expliquée par une correction très insuffisante de la ferritinémie et du coefficient de saturation de la transferrine, en particulier chez les patients qui ont les concentrations les plus élevés d’hepcidine (schéma 1). Le taux d’évènements indésirables est similaire dans les deux groupes, démontrant la bonne tolérance du traitement martial per os.
Les 174 patients de l’étude EFFECT-HF ont été randomisés pour être traités ou non en ouvert par voie intraveineuse à l’aide du fer carboxymaltose. La variation du pic VO2 après 24 semaines de traitement par rapport à la valeur à l’inclusion constitue là encore le critère primaire. La dégradation du pic VO2 est significativement plus faible chez les patients recevant du fer intraveineux que chez ceux recevant le traitement standard (-0,2 vs -1,2 ml/kg/min ; p = 0,02) [schéma 2].
En faveur de la voie IV
Bien que la différence entre les durées de traitement, 16 semaines dans IRONOUT-HF, 24 semaines dans EFFECT-HF, limite les possibilités de comparaison et réduit la probabilité d’observer un éventuel bénéfice du fer per os, ces résultats qui confirment les données des études FAIR-HF et CONFIRM-HF attestant d'une amélioration, sous l’effet du fer carboxymaltose, des capacités d’effort sous maximal appréciées par la distance de marche au test de 6 minutes, plaident pour l’utilisation de la voie intraveineuse pour corriger une carence martiale au cours de l’insuffisance cardiaque, obéissant ainsi aux récentes recommandations de classe IIa et de niveau A de la Société européenne de cardiologie, les résultats neutres de l’essai IRONOUT-HF étant compatibles avec les données physiopathologiques.
Ainsi, en dehors des cas de carence martiale absolue où il existe peut-être encore une place pour le fer per os, en cas de carence martiale fonctionnelle, secondaire à l’hypersécrétion d’hepcidine, c’est la voie intraveineuse qui devrait être utilisée. Il faut ainsi revoir les modalités de correction de la carence martiale en cardiologie.
Fédération des services de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil, UMR UT3 CNRS 5288 Evolutionary Medicine, Obesity and heart failure: molecular and clinical investigations. INI-CRCT F-CRIN, GREAT Networks3 Université Paul Sabatier-Toulouse III; faculté de médecine, Toulouse
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