Troubles cognitifs dans la sclérose en plaque

Présents dans plus de la moitié des cas après 10 ans d’évolution

Publié le 20/06/2016
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La sclérose en plaques (SEP) a longtemps été considérée uniquement comme une pathologie inflammatoire et démyélinisante. Ce n’est qu'au cours de ces vingt dernières années, que le processus neurodégénératif a été remis au premier plan. La SEP est ainsi une maladie inflammatoire démyélinisante et dégénérative du système nerveux central. La perte neuronale peut être mise en évidence dès le premier événement neurologique (CIS pour syndrome cliniquement isolé) voire dès le stade du syndrome radiologiquement isolé (RIS) avant même la première poussée. Les troubles cognitifs sont à la fois la résultante de l'atteinte démyélinisante (comme en attestent les corrélations, certes faibles, entre les troubles cognitifs et la charge lésionnelle hyper-T2 ou hypo-T1) et de la perte axonale (comme en attestent les corrélations fortes à modérées entre les troubles cognitifs et l'atrophie thalamique ou encore corticale). Des travaux en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ont également montré que des patients SEP sans troubles cognitifs mobilisaient plus d'aires corticales que des sujets sains appariés. Cette plasticité cérébrale s'épuisera avec le temps et la progression de la maladie. Tous les patients ne semblent pas égaux quant à la survenue de troubles cognitifs et cela met en avant la notion de réserve cognitive liée à des facteurs peut-être génétiques et/ou environnementaux (niveau d'éducation, enrichissement intellectuel…).

On distinguera plainte cognitive et troubles cognitifs. En effet, la plainte cognitive du patient ne reflète pas le niveau de ses fonctions cognitives. Les troubles cognitifs sont rapportés au cours de la SEP dans 40 à 75 % des cas selon les tests neuropsychologiques et les seuils utilisés, et selon les populations étudiées. Ils ne sont pas l'apanage des formes de l'adulte. La prévalence des troubles cognitifs est plus élevée chez les patients atteints d'une forme secondairement progressive. On rapporte un accroissement de cette prévalence selon la durée de la maladie (26 % au début, 49 % au-delà de 4 ans et 56 % au-delà de 10 ans).

Des tests d’évaluation courts à utiliser en routine

Les troubles cognitifs ont longtemps été négligés dans la SEP, au profit d'un handicap locomoteur largement mis en avant. Dans l'établissement du score de handicap d'un patient (score EDSS), les troubles cognitifs sont évalués de façon grossière et/ou par des méthodes de screening non adaptées à la SEP comme le Mini Mental Test. Les domaines cognitifs le plus souvent touchés au cours de la SEP sont la vitesse de traitement des informations, la mémoire épisodique et les fonctions exécutives. Si une évaluation complète cognitive (Brief Repeatable Battery for Neuropsychological tests le plus souvent [BRB-N, 45 minutes] ou la Minimal Assessment of Cognitive Function in Multiple Sclerosis [MACFIMS, 90 minutes]) est recommandée, il est difficile de la réaliser en routine par manque de moyens (formation aux tests neuropsychologiques) et de temps (durée des tests complets dépassant largement le temps d'une consultation). Ainsi, il a été récemment proposé une batterie plus courte d'évaluation cognitive : Brief International Cognitive Assessment for Multiple Sclerosis (BICAMS) [15 minutes]. Cette batterie contient notamment le Symbol Digit Modalities Test (SDMT) qui évalue la vitesse de traitement de l'information en 90 secondes.

Dépister fatigue et dépression

Face à la plainte cognitive de son patient, le clinicien devra s’attacher à rechercher des comorbidités telles que la fatigue et un syndrome anxieux voire dépressif. En effet, même si les liens entre troubles cognitifs et fatigue ou dépression ont largement été discutés au cours de la SEP, il est important en routine de les dépister et de les traiter. La SEP s'associe fréquemment à une fatigue chronique dont les mécanismes ne sont pas clairement élucidés. Au quotidien, il faudra s'attacher à rechercher des causes secondaires de fatigue tels que : anémie, hypothyroïdie, problème d'hygiène de sommeil, troubles du sommeil de type syndrome d'apnées du sommeil ou narcolepsie secondaire. L'échelle de Beck pourra être utilisée en routine pour dépister un syndrome dépressif.

Il n'existe pas à ce jour de traitement symptomatique validé pour les troubles cognitifs de la SEP. Il conviendra de rappeler sans cesse les conseils suivants : arrêt du tabac, régime alimentaire équilibré, activité physique régulière adaptée au handicap du patient, pas de surpoids, supplémentation vitaminique D, stimulation cognitive régulière (travail, lecture, relation sociale), dépistage des épines irritatives, suivi neurologique régulier, traitement de fond précoce dans le cadre des autorisations de mise sur le marché.

CHRU Lille

Dr Olivier Outteryck

Source : Bilan Spécialiste