P OUR dire prune en anglais, on ne dit pas prune, mais plum. Prune signifie pruneau, et c'est l'un des plus classiques des « faux amis ». C'est un Français qui, en 1800, a introduit le prunier (plumtree) aux Etats-Unis. Depuis, le pruneau, sinon la prune, a remporté un succès foudroyant chez les Américains. Ils en consomment beaucoup, mais, semble-t-il, un peu moins qu'autrefois.
Ne voilà-t-il pas que les fabricants de pruneaux, donc de prunes, ont décidé de changer le nom de leur produit et de l'appeler dried plum, littéralement prune desséchée, état de fait incontestable et label inattaquable ? Pourquoi ce changement ? Parce que, selon les industriels, il se vendra mieux de la sorte. La Food and Drug Administration a examiné la question avec le sérieux qu'on lui connaît et, après des mois de réflexion, elle a fini par donner son aval à la requête de l'industrie. Le pruneau devient donc prune séchée, mais le jus de pruneau (prune juice) ne changera pas de nom.
Richard Peterson, directeur du California Dried Plum Board, explique à qui veut l'entendre que, aux yeux du public américain, et principalement des femmes, le pruneau est considéré comme un fruit médicinal de grand-mère, aux vertus strictement laxatives, alors que le terme de dried plum permet d'en faire un produit de consommation à part entière qu'on mange pour se nourrir et par plaisir.
Ce n'est pas la première fois que l'industrie agroalimentaire américaine change le nom d'un fruit ou d'un légume. Le kiwi s'appelait autrefois Chinese gooseberry, qu'on pourrait traduire par fraise de Chine, la noisette s'appelait filbert et le pois chiche avait le beau nom espagnol de garbonzo (aujourd'hui chick pea).
La FDA a tenu quand même à ce que les étiquettes indiquent, en caractères plus petits, mais pour quelques années encore, le nom de pitted prunes (pruneaux dénoyautés), étant entendu qu'il est rare qu'on vende aux Etats-Unis les pruneaux avec leurs noyaux. Howard Nager, de Sunsweet Growers Inc. - qui contrôle 70 % de la production -, estime que le commerce des pruneaux, qui tend à diminuer, va s'améliorer grâce au changement de substantif. Ce qui est sûr, c'est que le pruneau ne peut pas faire de mal et que, prune ou pruneau, dénoyauté ou non, sa consommation, en ces temps d'inquiétudes et parfois de paniques alimentaires, ne comporte pas de risques. Il fallait bien que, en l'absence de toute maladie du pruneau, les Américains s'offrent un débat sémantique.
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