Psoriasis : les trois facettes de la stratégie thérapeutique

Publié le 27/03/2001
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REFERENCE


I. GENERALITES

• Qualité de vie
Le psoriasis, dermatose chronique évoluant par poussées, touche environ 2 % de la population. Si l'affection n'altère pas le pronostic vital, elle est responsable d'une gène fonctionnelle et d'un préjudice esthétique avec retentissement sur la qualité de vie.

• Diagnostic clinique
Le diagnostic, essentiellement clinique, est posé devant :
a) des formes cliniques variées : en plaques (psoriasis vulgaire), en gouttes, souvent éruptif ou formes pustuleuses et/ou érythrodermiques, plus graves ;
b) des topographies également variables : disséminées, localisées aux zones bastion, plis, cuir chevelu, ongles ;
c) l'association à un rhumatisme psoriasique dans 7 % des cas environ.

• Phrases lapidaires et titres accrocheurs
De son affection, la personne atteinte n'a bien souvent retenu que les phrases lapidaires entendues ici ou là comme : « C'est une maladie dont on ne guérit jamais, je ne peux plus rien faire pour vous. » D'autres sollicitent leur médecin à la suite de titres accrocheurs dans les magazines grand public : « Un nouveau traitement du psoriasis... »

• En l'an 2000
Qu'en est-il donc de la stratégie thérapeutique du psoriasis en 2000 ?
La prise en charge thérapeutique associe trois facettes :
- un échange d'informations médecin-malade sur l'évolutivité de la dermatose, une meilleure connaissance de la maladie, des attentes en termes de thérapeutique ;
- le choix de la thérapeutique elle-même, tenant compte des informations précédentes, mais fonction essentiellement de l'étendue et de la topographie du psoriasis 
- un suivi sur les résultats et la réalisation des soins et notamment pour certains malades l'accès aux soins dans le système de santé français.


II. LA RELATION MEDECIN-MALADE

• L'anxiété et les attentes du patient
Il importe au praticien de connaître l'anxiété et les attentes du patient, notamment sur une meilleure connaissance de sa maladie, et son évolutivité : le psoriasis n'est pas une maladie statique en raison de variations saisonnières, de rémissions spontanées qui peuvent se compter en mois ou en années, de facteurs physiques ou émotionnels déclenchants, tous ces éléments devant être pris en compte pour la prise en charge.

• Les idées fausses
Il convient de lutter contre quelques idées fausses : il ne s'agit pas d'une maladie héréditaire stricto sensu, même s'il existe de façon évidente, dans un tiers des cas, plusieurs cas dans la famille ; le malade peut relier ses cas familiaux à un risque de contagiosité alors qu'il s'agit simplement d'une prédisposition génétique. Ce que l'on connaît du psoriasis doit être expliqué au patient et notamment tout ce qui a trait aux facteurs déclenchants ou aggravants : foyer infectieux streptococciques, notamment dans les formes en gouttes de l'enfant ; rôle de certains médicaments comme les bêtabloquants, le lithium et, de façon plus récente, l'interféron ; rôle pérennisant de l'alcoolisme chronique, sans compter sa contre-indication relative à certaines thérapeutiques ; savoir évoquer une infection VIH en cas d'apparition ou d'aggravation d'un psoriasis prenant alors volontiers un aspect acral et pustuleux ; surtout connaissance du phénomène de Kœbner, c'est-à-dire rôle favorisant des traumatismes pour l'apparition de nouvelles plaques, qu'il s'agisse de psoriasis prurigineux, de psoriasis très régulièrement manipulé, « épluché ». Un lien avec un éventuel rhumatisme psoriasique peut être également établi par l'interrogatoire.

• Exposer les schémas thérapeutiques
Enfin, les moyens thérapeutiques doivent être exposés schématiquement, en précisant pour chacun d'entre eux les avantages ou les inconvénients et leurs indications en termes d'extension ou de topographie du psoriasis. De ce qu'il connaît déjà de son malade ou de cet entretien initial, le médecin en retirera les notions de la faisabilité des soins (âge, conditions socio-économiques, disponibilité), ainsi que la capacité d'observance. Les consultations de suivi ne doivent pas être de simples chambres de renouvellement des ordonnances mais doivent s'intéresser à la tolérance des thérapeutiques reçues, à leur réalisation effective, en prenant en compte, par exemple, le nombre de tubes réellement utilisés.


III. TRAITEMENTS DISPONIBLES

Globalement, la stratégie thérapeutique adoptée en France est la suivante.

• Psoriasis vulgaire peu étendu : traitement local
Trois thérapeutiques sont disponibles : dermocorticoïdes (de classe II essentiellement) associés éventuellement aux kératolytiques ; calcipotriol topique (Daivonex) ; et, de façon plus récente : tazarotène topique (Zorac).
- D'une façon générale, le dermocorticoïde est choisi comme traitement starter sous la forme galénique pommade (excepté dans les plis où il faut utiliser la forme crème), pour une réponse rapide et bien tolérée ; la consommation ne doit en aucun cas dépasser deux tubes de 30 g par semaine ; en revanche, en raison de ses effets potentiels au long cours et, notamment, d'un effet d'échappement, ils doivent être relayés ou devenir intermittents et associés aux deux autres possibilités thérapeutiques.
- Daivonex est disponible sous plusieurs formes galéniques : principalement en pommade, dont le caractère très huileux peut toutefois faire préférer la forme crème et, enfin, forme lotion, plus récente, pour le cuir chevelu ; l'application ne doit pas dépasser 40 % de la surface corporelle, soit la consommation d'un tube de 100 g par semaine, pour éviter toute hypervitaminose D ; il est, dans l'ensemble, bien toléré, mais n'est pas conseillé dans les plis ou le visage ; son efficacité avec deux applications par jour a été jugée comparable à celle d'un dermocorticoïde appliqué une fois par jour.
- L'application des gels à 0,05 % et 0,1 % de tazarotène est possible dans les psoriasis en plaques bénins à modérés intéressant au maximum 10 % de la surface corporelle ; son efficacité semble un peu inférieure à celle d'un dermocorticoïde et du calcipotriol ; l'application entraîne une irritation locale chez environ la moitié des patients, d'où l'association fréquente à un dermocorticoïde ; ces gels sont officiellement contre-indiqués en cas de grossesse et en cas d'exposition excessive aux ultraviolets.
Les traitements topiques de seconde intention, qui étaient représentés autrefois par les pommades au goudron ou l'application topique de chlorméthine, ne sont plus disponibles en ce qui concerne les goudrons en raison de leur rôle potentiellement carcinogène, (excepté en ce qui concerne l'ichtyol, qui entre encore dans la composition de certaines compositions magistrales ou des shampooings) ou en voie d'abandon (chlorméthine), en raison de leur caractère mutagène chez le sujet jeune ou de la fréquence des accidents d'intolérance.
L'application d'émollients sous forme de pommade est souvent utile pour lutter contre l'assèchement secondaire aux topiques.


Plaque érythémato-squameuse de psoriasis vulgaire(photo DR)


Atteinte génitale masculine : chez le sujet non circoncis, le psoriasis est observé sur le gland et sur le feuillet interne du prépuce sous forme de lésion érythémateuse bien limitée non squameuse(photo DR)


Psoriasis nummulaire (photo DR)

• Psoriasis vulgaire étendu/psoriasis palmo-plantaire invalidant
La photothérapie est la plus largement utilisée - il s'agit essentiellement de la PUVA (psoralène + UVA) -, probablement en raison du très grand nombre de cabinets de dermatologie équipés de telles cabines. Le psoralène utilisé pour la PUVAthérapie est en règle générale le 8 méthoxypsoralène (Méladinine), sauf s'il existe des signes d'intolérance faisant alors recourir au 5 méthoxypsoralène. Les cabines avec rayonnement UVB sont moins largement diffusées mais sont proposées en cas de contre-indication au psoralène ou chez le sujet jeune. Pour diminuer le nombre de séances, les traitements topiques sont volontiers associés aux ultraviolets, essentiellement le calcipotriol ou les dermocorticoïdes. Le recours à la photothérapie nécessite le respect de certaines indications : psoriasis supérieur à 40 % de la surface corporelle et échec des traitements locaux habituels, et enfin le respect de certaines contre-indications : âge inférieur à 18 ans, sauf exception, insuffisance rénale ou hépatique, grossesse, antécédent de cancer cutané ou de cataracte.
Le nombre de joules par cm2 est fonction du phototype. S'il s'agit d'un traitement jugé agréable par le bronzage qu'il procure, il existe des contraintes et notamment la disponibilité pour se prêter à des séances au moins trois fois par semaine, sur 4 à 5 semaines lors du traitement d'attaque. Il n'y a pas de consensus en ce qui concerne le traitement d'entretien avec la photothérapie ; à distance de l'arrêt de la PUVAthérapie, il existe une incitation à la surveillance des patients ayant reçu plus de 1 000 J/cm2, ce qui peut correspondre à environ dix cures de puvathérapie d'environ trente séances chacune.
Les rétinoïdes sont prescrits soit en association avec la photothérapie, soit d'emblée seuls. Il s'agit toujours de l'acitrétine (Soriatane). La dose initiale d'attaque est habituellement modérée, autour de 25 mg par jour, avec une montée des doses par paliers en fonction des résultats obtenus. Le principal facteur limitant est, bien sûr, la grossesse, et cette molécule est donc exceptionnellement utilisée chez la jeune fille ou chez la femme jeune (nécessité d'une contraception deux ans au-delà de l'arrêt du médicament). L'association PUVAthérapie-rétinoïdes est très volontiers utilisée dans les formes palmo-plantaires invalidantes qui auraient résisté au traitement local. Les rétinoïdes sont d'emblée utilisés sur de longs mois et il est donc difficile de faire la distinction entre traitement d'attaque et traitement d'entretien. Après obtention d'un blanchiment, la dose initiale est progressivement sevrée pour trouver le palier minimal efficace. Si l'évolution est très favorable, le traitement est habituellement arrêté dans un délai de neuf mois à deux ans. La surveillance biologique est hépatique et lipidique, en insistant sur le risque athérogène des traitements au long cours.

• Psoriasis vulgaire grave (étendue > à 30% ) ou compliqué (érythrodermie, psoriasis pustuleux)
C'est dans ces formes sévères que les bénéfices thérapeutiques ont été les plus nets ces vingt dernières années.
La PUVAthérapie, ou mieux la ré-PUVAthérapie, est le traitement de choix des psoriasis pustuleux avec une dose d'attaque plus élevée que celle des psoriasis vulgaires.
Dans les autres formes graves de psoriasis ou en cas d'échec ou impossibilité de ré-PUVAthérapie, il est proposé soit la ciclosporine, soit le méthotrexate.
- Le méthotrexate (Novatrex) est prescrit per os à raison d'une prise deux jours par semaine à la dose de 7,5 à 15 mg par semaine, sur une durée habituellement inférieure ou égale à un an ; il est choisi préférentiellement s'il existe un psoriasis arthropathique. La ponction biopsie hépatique est proposée après une dose cumulative de 1,5 à 2 grammes. Un bilan hépatique préalable au traitement, puis mensuel, associé à une numération formule sanguine et plaquettes, est réalisé.
- La ciclosporine (Néoral) est prescrite en règle générale selon les modalités des conférences de consensus européennes, c'est-à-dire à la dose de 2,5 à 3 mg par kg et par jour sur une durée inférieure ou égale à deux ans. La prescription d'initiation hospitalière peut être renouvelée en ville avec des consultations mensuelles et un suivi rénal, qui peut inciter à une diminution des doses en cas de perturbations du bilan rénal (surveillance de la créatininémie, de la clairance de la créatinine, de la tension artérielle). Il est nécessaire d'établir un contrat avec le malade pour un sevrage au terme de la durée de traitement suscitée.
- Dans les formes subintrantes, peuvent se succéder en alternance des périodes de prescription de ciclosporine et de méthotrexate et ainsi minimiser les effets secondaires de chacune de ces thérapeutiques.

• Psoriasis limité à certaines topographies
- Le psoriasis palmo-plantaire après échec des dermocorticoïdes sous occlusion est traité par ré-PUVAthérapie.
- Le psoriasis du cuir chevelu est traité par dermocorticoïdes plus ou moins salicylés et shampooing à base d'ichtyol.
- Le psoriasis des plis est traité par corticothérapie locale sous forme de crème (classe II, voire III), en association avec des antifongiques locaux lorsqu'il existe une surinfection candidosique.

IV. PSORIASIS ET SYSTEME DE SOINS FRANÇAIS

• Psoriasis et remboursement des soins

Seuls les psoriasis graves, compliqués ou très étendus peuvent bénéficier du remboursement des soins à 100 % par la Sécurité sociale, à condition que le praticien en fasse la demande car cette affection n'est pas inscrite sur la liste des trente maladies en bénéficiant automatiquement. Toutefois, même en cas de psoriasis moins étendu, il est possible d'obtenir le remboursement des soins, soit par une mutuelle complémentaire soit, pour les personnes économiquement faibles, par l'inscription à l'aide médicale gratuite.
En effet les thérapeutiques proposées dans le psoriasis ne sont pas toutes remboursées de la même façon : les dermocorticoïdes sont à un prix très abordable et nettement inférieur à celui du calcipotriol ou du tazarotène ; le calcipotriol topique, le tazarotène et le l'acitrétine sont remboursés par la Sécurité sociale à hauteur de 65 %, la PUVAthérapie doit faire l'objet d'une demande d'entente préalable auprès de la Sécurité sociale.
Le méthotrexate est peu coûteux et remboursé à 100 %, tandis que la ciclosporine est coûteuse. En ce qui concerne les psoralènes, seule la Méladinine est remboursée à 65 %.

• L'immense majorité des psoriasis est suivie en soins ambulatoires et ne dispose pas, sauf exception, de facilité d'accès aux soins durant leur période de travail, comme dans d'autres pays européens. L'éducation à l'application des topiques peut se faire dans des consultations thématiques ou également en hospitalisation de jour. L'hospitalisation n'est proposée qu'aux formes graves ou aux malades en difficultés socio-économiques.

V. CONCLUSION
Dans l'immense majorité des cas, des thérapeutiques locales bien appliquées permettent de contrôler les poussées du psoriasis. Une meilleure information-éducation permet au malade de gérer au mieux ses poussées. Le soutien du médecin n'est pas négligeable dans cette affection, où le regard des autres peut véritablement représenter un stress chronique. Les avancées thérapeutiques de cette dernière décennie ont surtout bénéficié aux formes graves et ont considérablement réduit le nombre de malades hospitalisés dans les services de dermatologie.

Pr Béatrice CRICKX Service de dermatologie, groupe hospitalier Bichat - Claude-Bernard et UFR Xavier-Bichat (Paris-VII)

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6886