Psoriasis : les “vieux” traitements toujours dans la course

Publié le 18/01/2019
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Le congrès français de dermatologie a permis de faire le point sur les innovations thérapeutiques dans le psoriasis, tout en modérant l’engouement suscité par les biothérapies. Si elles ont révolutionné la prise charge de la maladie, ces molécules restent des options de seconde ligne et le méthotrexate ou la ciclosporine gardent toute leur place.
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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Anti-TNF, anti-interleukines, etc. Après la polyarthrite rhumatoïde et les spondylarthropathies, le psoriasis bénéficie à son tour de la déferlante biothérapies, avec de plus en plus de molécules disponibles ou en développement (voir encadré). Considérées comme plus efficaces, avec des données de tolérance plutôt rassurantes, elles suscitent l’engouement. Pour autant, les traitements systématiques classiques restent dans la course, comme l’ont rappelé des spécialistes lors du congrès français de dermatologie (JDP, Paris, décembre 2018). Avec pour certains d’entre eux des arguments de coûts, mais aussi d’efficacité ou de simplicité de prescription. A contrario, certaines molécules comme l’acitrétine semblent de moins en moins légitimes.

Selon les premières recommandations de la Société française de dermatologie sur le psoriasis (en cours de publication), les traitements systémiques sont indiqués dans les formes modérées à sévères, mais aussi en cas de retentissements fonctionnel ou psychologique importants.

Incontournable méthotrexate

« En première intention, les recommandations privilégient le méthotrexate (MTX) (ou la photothérapie), les traitements ciblés et l’aprémilast n'étant indiqués qu'en deuxième ligne, après échec, intolérance ou contre-indication à au moins deux traitements classiques dont le MTX », résume le Pr Manuelle-Anne Viguier (Reims).

Le méthotrexate est un immunomodulateur qui constitue le traitement privilégié du psoriasis en plaques (avec une efficacité proche de celle des biothérapies), tout en sachant qu’il n’est pas efficace dans les autres formes cutanées ni en cas de rhumatisme psoriasique associé. Il peut être prescrit par le médecin traitant, à la dose de 7,5 à 15 mg par semaine en fonction de l’âge et de la fonction rénale. On rassurera les personnes parfois réticentes à prendre cette chimiothérapie par l’importance du recul dont elle bénéficie, plus de 60 ans en dermatologie.

Le méthotrexate est associé à au moins 5 mg d’acide folique, à prendre au minimum 24 heures après pour améliorer la tolérance digestive. Les réactions à type de nausées ou douleurs abdominales, généralement transitoires, seraient aussi réduites par le café ou le chocolat noir ! La voie sous-cutanée est plus active et mieux tolérée que la voie orale. Le MTX est contre-indiqué chez la femme enceinte, en cas d’insuffisance rénale ou hépatique, d’hépatites B et C actives. Il contre-indique les vaccins vivants. Globalement, il ne provoque pas plus d’infections que dans la population générale et le risque de cancer semble minime. La toxicité hématologique (anémie ou myélodysplasie) doit faire surveiller la NFS, mais « le risque est surtout hépatique, essentiellement sur un terrain favorisant comme le diabète, l’alcoolisme, le syndrome métabolique, etc., à contrôler par un bilan hépatique rapproché et un dépistage de la fibrose par Fibroscan® tous les 1 à 2 ans », insiste le Pr Marie-Aleth Richard (Marseille). Les AINS ou le sulfaméthoxazole pris à forte dose ou de façon répétée peuvent majorer la toxicité du méthotrexate. à noter que si la femme peut envisager une conception après un jour d’arrêt du traitement, l’homme devrait en théorie attendre trois mois !

La ciclosporine est plus rapidement efficace que le MTX sur le psoriasis en plaques, et est intéressante pour son efficacité sur les formes très inflammatoires. Sa prescription initiale comme son renouvellement semestriel sont hospitaliers. Elle est autorisée chez les femmes en âge de procréer et pendant la grossesse sous couvert d’un suivi spécifique. Par contre, elle est contre-indiquée en cas d'infection ou de cancer actif, chez les patients VIH ou séropositifs pour l'hépatite B ou C. Sa toxicité est surtout rénale, et requiert une surveillance rapprochée de la fonction rénale et de la PA.

L'acitrétine, une exception française

« Alors qu’il est le moins efficace de tous (sauf en association avec la photothérapie dans le psoriasis en plaques) et qu’il présente un risque tératogène majeur, l’acitrétine est le premier traitement systémique prescrit en France dans le psoriasis », s’étonne le Dr Emilie Sbidian (Créteil). Après une prescription initiale du dermatologue, il peut être renouvelé par le médecin traitant, « mais cette molécule ne devrait plus être prescrite sauf cas très particulier chez la femme en âge de procréer ». Les programmes de prévention de la grossesse mis en place par la Cnam et l'ANSM sont peu respectés.
L’aprémilast est un inhibiteur de la phosphodiestérase 4 qui diminue la synthèse des cytokines pro-inflammatoires. Il est pratiquement aussi coûteux que les biothérapies et sa prescription est soumise aux mêmes restrictions et réservée à certains spécialistes. « Il ne saurait être un traitement de première ligne car il est moins efficace que les biothérapies et même que le MTX. Il est à réserver aux échecs des autres traitements classiques en cas de contre-indications aux biothérapies », prévient la dermatologue. D’autant qu’une alerte a été émise sur un risque d’insomnie, mais surtout de dépression et de troubles suicidaires sans lien avec des antécédents dépressifs et dont le mécanisme est inconnu. Par ailleurs, 20 % des patients se plaignent de troubles digestifs et de céphalées, et la perte de poids associée peut atteindre 5 à 10 % du poids initial dans 14 % des cas, et plus de 10 % chez 6 % des personnes.

En bref...

Mycoplasma genitalium fait de la résistance Découvert en 1981, Mycoplasma genitalium est une bactérie sexuellement transmise pouvant provoquer des infections génitales symptomatiques. « Depuis quelques années, on observe une augmentation inquiétante des résistances de ce germe aux macrolides », alerte la SFD, avec des taux proches de 40 %, selon Centre national de référence des infections sexuellement transmissibles bactériennes.

1 français sur 3 mal dans sa peau 33 % des Français ont été ou seront touchés par un ou plusieurs problèmes ou maladies de peau, selon une enquête menée par la SFD.

De l’alu dans les déos, et alors ? Certains déodorants contenant des sels d’aluminium ont été soupçonnés de favoriser le développement de cancers du sein en induisant un passage d’aluminium dans la glande mammaire. « À ce jour, la présence d’aluminium dans la glande mammaire ne permet pas de l’incriminer dans le développement du cancer », tranche le Pr Annick Barbaud (Paris), soulignant par ailleurs que « la pierre d’alun est proposée comme alternative aux sels d’aluminium, alors qu’elle en contient ! »

 

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr