M ALGRE des progrès considérables dans la connaissance de la neurobiologie du sommeil et des conséquences du manque de sommeil sur les performances humaines, on ne sait toujours pas pourquoi le cerveau a besoin de dormir. Des expériences menées sur des chatons californiens, rapportées cette semaine dans la revue « Neuron », apportent un embryon de réponse.
« Nous avons travaillé sur le cortex visuel des chats, qui est une zone que nous connaissons particulièrement bien, explique Michael Stryker, directeur du laboratoire. Nous savons comment l'information arrive aux deux yeux, comment le cortex change au cours du développement normal, et nous connaissons les caractéristiques de sa plasticité, telles que les modifications observées après une privation monoculaire. »
Pour connaître l'impact du sommeil profond sur la plasticité neuronale au stade précoce du développement cérébral, les chercheurs californiens ont étudié la réponse des neurones du cortex cérébral après six heures de vision monoculaire imposée. La privation visuelle provoque un remodelage rapide des circuits neuronaux correspondant à la plasticité de la dominance oculaire. Les modifications corticales induites étaient quantifiées par imagerie et par enregistrement de l'activité électrique neuronale.
La plasticité cérébrale a été étudiée immédiatement après les six heures de privation monoculaire (groupe témoin), après avoir laissé les chatons dormir six heures à l'issue de l'expérience (groupe 1), après les avoir empêché de dormir pendant six heures en chambre claire (groupe 2) et en chambre noire (groupe 3).
Une plasticité cérébrale doublée
Les résultats sont édifiants : les chats qui ont dormi après l'expérience ont une plasticité cérébrale doublée par rapport à ceux restés éveillés dans le noir et à ceux du groupe témoin. Chez les dormeurs, les modifications neuronales observées sont même légèrement supérieures à celles des chats qui ont doublé leur période d'apprentissage visuel (groupe 2).
« Il semble que les mécanismes sous-jacents à la plasticité durant l'éveil soient différents de ceux du sommeil profond, explique encore le neurophysiologiste. Le sommeil profond renforce les connexions neuronales établies en phase d'éveil. Or la croissance et le renforcement des circuits neuronaux sont la base du développement du cerveau. L'une des fonctions du sommeil est peut-être de consolider les effets de la stimulation diurne sur la plasticité neuronale. La mémoire pourrait ainsi se transformer durant le sommeil afin de se conserver sous une forme plus durable et plus solide. Dans ce cas, une nuit de sommeil prévaudrait à une nuit blanche passée à bachoter des cours avant un examen. A condition de s'endormir en étudiant ses cours. »
Michael Stryker et coll., «Neuron», 26 avril 2001.
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