L’hormonothérapie reste le traitement de référence des cancers localisés de la prostate à risque de progression ainsi que celui des tumeurs de stade avancé ou métastatique. Jusqu’à récemment, l’évolution inéluctable vers une résistance à la castration (médicale ou chirurgicale) laissait après le docetaxel le thérapeute démuni. Depuis 2010, la situation a changé. Plusieurs alternatives thérapeutiques sont apparues dans le traitement du cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC). Elles viennent désormais s’articuler tout au long de l’évolution tumorale : CPRC en échappement biologique isolé, CPRC métastatique (CPRCm) asymptomatique puis symptomatique – sensible puis en échec du docétaxel. Devant la multiplicité de ces options, l’enjeu pour les praticiens sera de déterminer les séquences de traitement les plus efficaces.
Actualités des molécules disponibles
Concernant la chimiothérapie, le cabazitaxel est aujourd’hui indiqué en seconde ligne de traitement du CPRCm. Il est actuellement en évaluation en première ligne de chimiothérapie dans l’étude de phase III FIRSTANA, comparé au docetaxel selon une randomisation 1 :1. Les résultats sont prévus pour 2014. En attendant, le docetaxel reste la chimiothérapie recommandée de première intention.
En matière d’hormonothérapie, l’étude des mécanismes biologiques du CPRC a montré que les tumeurs prostatiques surexprimaient des récepteurs androgéniques à leur surface, leur permettant d’échapper à l’hormonothérapie classique et de croître sous l’influence d’androgènes provenant des surrénales ou produits directement au niveau des cellules tumorales prostatiques grâce à l’activation locale d’enzymes de la synthèse des androgènes. C’est sur la base de ces nouvelles connaissances que de nouvelles molécules ont été développées, comme l’acétate d’abiratérone, inhibiteur de CYP 17, un complexe enzymatique clé de la biosynthèse des androgènes, et le MDV3100 ou enzalutamide*, inhibiteur des récepteurs aux androgènes. Tous deux sont aujourd’hui disponibles en seconde ligne du CPRCm après échec du traitement de référence par docetaxel. Leurs indications évoluent actuellement vers une utilisation à des phases plus précoces, avant docetaxel chez des patients pas ou peu symptomatiques. Philippe Beuzeboc, de l’Institut Curie (Paris) précise : « L’étude COU-AA-302 présentée à l’Asco 2012 a montré que l’acétate d’abiratérone améliorait significativement la survie sans progression radiographique. Il faudra attendre l’analyse finale de l’étude pour confirmer les résultats en termes de survie globale (Les données de la dernière analyse intermédiaire n’ont pas atteint l’objectif statistique de significativité). L’acétate d’abiraterone vient néanmoins d'obtenir l’AMM dans cette indication. On attend maintenant les résultats de l’essai PREVAIL, qui évalue l’enzalutamide dans la même situation : ils devraient être disponibles en 2014. »
Molécules en développement
D’autres molécules pourraient venir encore étoffer ces lignes de traitement. Le TAK-700 (orteronel) notamment est un autre inhibiteur de la biosynthèse des androgènes pour lequel des essais cliniques sont actuellement en attente de résultats en phase pré- et post-docetaxel. Autre nouveauté, l’ARN-509, un nouvel inhibiteur des récepteurs androgéniques, a été évalué dans des études de phase I/II dans les stades métastatiques. Comme l’enzalutamide, il fait parallèlement l’objet d'essais cliniques de phase III dans les stades non métastatiques.
En matière de biothérapies ciblées, un certain nombre de molécules n’ont pas montré d’efficacité, comme les anti-angiogéniques (sunitinib, sorafenib, bevacizumab, aflibercept…), les inhibiteurs de récepteurs d’endothéline, le dasatinib. Parmi les molécules les plus avancées dans leur développement, le cabozantinib apparaît comme la plus prometteuse. Ce double inhibiteur cible à la fois les récepteurs MET (dont le ligand est l’Hepatocyte Growth Factor ou HGF) et VEGFR2. Les études de phase III en cours COMET-1 et COMET-2 (aux États-Unis) évaluent actuellement sa place en troisième ligne après chimiothérapie et hormonothérapie.
Quelles stratégies de traitement ?
L’avènement de ces nouvelles molécules exige aujourd’hui une remise à plat des schémas de traitement, avec quatre différentes options possibles en première ligne métastatique entre 4 molécules (docetaxel, abiratérone, et possiblement en 2014 l’enzalutamide et le cabazitaxel) et plus encore en seconde ligne (entre le cabazitaxel, l’abiratérone, l’enzalutamide, et possiblement l’ARN-509 et l’ortéronel). L’existence de facteurs prédictifs ou pronostiques de l’efficacité de ces traitements sera d’une aide précieuse. « En ce qui concerne la première ligne, il semble que les tumeurs qui ont rapidement évolué sous hormonothérapie devraient plus bénéficier d’un traitement par chimiothérapie en première ligne métastatique, souligne Philippe Beuzeboc. Une courte durée de réponse à l’hormonothérapie initiale (<16 mois) semble être un facteur prédictif de mauvaise réponse à l’abiratérone, selon les données préliminaires d’une étude réalisée à l’IGR par le Dr Loriot. Enfin, une testostéronémie non effondrée malgré la castration semble être un facteur prédictif de réponse des patients traités par abiratérone. » Parallèlement à ces données pratiques, d’autres moyens d’exploration – comme les cellules tumorales circulantes – sont aujourd’hui étudiés. La pertinence d’une seconde ligne d’hormonothérapie en fonction de la réponse à la première ligne devra aussi être évaluée, car on manque pour l’heure de données. Aucune étude de séquence n’existe pour l’instant. Seule l’étude rétrospective CATS conduite au niveau européen devrait prochainement nous donner des informations sur la question.
La pertinence de combinaisons thérapeutiques se pose aussi : « L’échec des essais cliniques conduits en associant le docetaxel en première ligne avec des thérapies ciblées semble montrer que ce type de combinaison n’est pas un bon concept avec pas moins de neuf essais de phase III négatifs », commente le spécialiste. Quant aux associations entre hormonothérapies, en cours d’évaluation, rien ne permet de prédire qu’elles feront mieux qu’un traitement séquentiel. »
* aujourd’hui disponible sous autorisation temporaire d’utilisation de cohorte.
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