LE Pnns est dans le collimateur des Drs Jean-Philippe Zermati (nutritionniste), Gérard Apfeldorfer et Bernard Waysfeld (psychiatres), membres fondateurs du Gros il y a huit ans. Confrontés dans leur pratique quotidienne aux angoisses et à la souffrance des patients, ils se sont interrogés, compte tenu de l'augmentation des troubles du comportement alimentaire, sur les effets du plan lancé au début de 2001. Malgré les régimes et les précautions diététiques, il y a de plus en plus d'obèses ou de personnes en surpoids, relèvent-ils.
L'obsession alimentaire.
La nutrition est devenue un sujet politique, économique et financier. Une mode aussi. La lutte contre le gras et le sucré est une fausse lutte, estime le Gros, en guerre ouverte contre le Pnns. Pour lui, « il faut lutter contre le manger-plus ». La restriction cognitive entraîne un sentiment de frustration avec des effets négatifs sur le comportement. Le message est, certes, caricatural, mais si un aliment est considéré comme dangereux parce qu'il est gras et sucré, tout ce qui en contient le devient, et si on en mange, on est coupable. Cette stigmatisation aurait des conséquences désastreuses. D'autant qu'on institutionnalise (à titre préventif) un régime dit équilibré, destiné non seulement aux obèses, mais à toute une population déjà sensible au culte de la minceur et du bien-être. Et que, comme dans les campagnes antitabac ou antialcool, on est en train de passer de l'information du consommateur à la réglementation systématique des produits, à leur taxation, voire à la répression par un moindre remboursement des soins. Une escalade que le Gros juge redoutable.
Le modèle français.
Le mangeur est un anxieux, estime le Dr Apfeldorfer. Il compense le stress, l'ennui, l'inactivité (cérébrale ou sportive) par la nourriture. Or, jusqu'à présent, le modèle français était fondé sur les sensations : on mangeait normalement gras et sucré, selon ses besoins et son mode de vie, à des heures précises, selon une tradition nationale, régionale, familiale, autour de la table, lieu de convivialité. Ce modèle français, rassurant, qui cultivait le goût et les sensations, perd du terrain face au modèle diététique venu des Etats-Unis, « champions en matière de régimes », selon le Dr Zermati, mais où le pourcentage d'obèses est très préoccupant. Le paradoxe est là, résume le Gros : en France, avant les régimes et les allégés, on avait certes des personnes en surpoids et des obèses, mais la courbe était relativement stagnante ; depuis l'introduction d'un modèle diététique via les recommandations du Pnns, il y a un net accroissement de cette population.
Le régime équilibré promu par le Pnns est en train de créer le schéma - je dois faire attention à mon poids (manger bien) -, en choisissant les aliments reconnus bons par la loi (manger bon) - mais sans tenir compte de mes envies et de mon plaisir (manger frustré). Or manger avec sa tête et une balance conduit aux troubles de comportement, dénonce le Gros.
Que faire ? Il faut arrêter, dit le groupe de réflexion, de stigmatiser l'obésité, il faut repenser les campagnes de prévention et le traitement de cette maladie, cesser de culpabiliser quand on déguste un gâteau et réapprendre à aimer le corps tel qu'il est dans sa normalité en combattant le principe beauté = minceur.
Le Gros a fort à faire pour véhiculer ce nouveau message, en opposition totale avec les idées ambiantes. Peut-être faut-il rechercher un savant équilibre entre les deux positions, en mariant science et conscience, précaution et plaisir.
* De 9 heures à 17 h 30, sur le thème « Des troubles du comportement alimentaire à l'obésité... ». Renseignements : site : gros.org., tél. 01.53.76.32.20.
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