L E report, au mois d'avril, de l'examen en première lecture par les sénateurs du projet de loi sur l'avortement et la contraception, initialement prévu pour les 6 et 7 février, donne l'occasion aux opposants de réaffirmer leur position.
La commission des Affaires sociales du Sénat a écarté, le 31 janvier, l'allongement du délai légal limite d'IVG de 10 à 12 semaines de gestation. En contrepartie, elle suggère d'apporter une réponse à la détresse des femmes qui dépassent les 10 semaines en élargissant les conditions d'utilisation de l'interruption médicale de grossesse (IMG). Chaque cas serait d'abord étudié par une commission pluridisciplinaire comprenant un praticien choisi par la femme, un chef de service de gynécologie-obstétrique et une personne qualifiée non médecin, qui pourrait être une conseillère conjugale, une psychologue ou une assistante sociale. L'IMG, selon la loi Veil, peut être pratiquée à tout moment si la poursuite de la grossesse met gravement en péril la santé de la femme ou s'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable lors du diagnostic. Aussi la commission sénatoriale propose-t-elle que « la référence à la santé de la femme inclue sa santé psychique, appréciée notamment au regard de risques avérés de suicide ou de recours à une interruption illégale de grossesse, ou d'un état de détresse consécutif à un viol ou à un inceste ».
L'entretien préalable obligatoire
Par ailleurs, les sénateurs souhaitent maintenir le caractère obligatoire de l'entretien préalable pour les adultes, supprimé par les députés, en première lecture, le 8 décembre. A cet égard, le Dr Py, président de SOS-Grossesse Paris (1), estime que, « si l'entretien devient facultatif, 90 % des femmes, ignorant leur propre intérêt, se précipiteront au plus vite vers une IVG non réfléchie » et « les suites psychologiques ultérieures seront plus souvent redoutables ». Vie et Liberté (2), établissement d'information, de consultation et de conseil familial, partage le même sentiment. « Si l'entretien n'est pas obligatoire, mais conseillé, ne rêvons pas, les femmes n'y auront pas recours. En voulant les libérer d'une contrainte, on les prive d'un accès à un espace de liberté », prévient l'association loi 1901.
Enfin, le Sénat, « favorable à tout ce qui peut développer la contraception, meilleur garant de la diminution des IVG », s'oppose à la mise en vente libre de contraceptifs en pharmacie si l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé juge qu'ils ne présentent aucun danger. « L'obligation de prescription, argumente-t-il, permet un suivi médical et un dépistage précoce de certaines maladies. Et le dialogue avec le médecin est indispensable pour assurer une bonne compréhension et un bon usage d'une contraception efficace et adaptée ».
Autant dire que le débat parlementaire reste très ouvert. La France, reconnaissent toutefois d'un commun accord les opposants et les partisans du projet de loi, ne s'est pas dotée d'une politique d'information sur la sexualité, pas plus qu'elle ne s'est donné les moyens d'appliquer correctement la loi Veil de 1975.
(1) Tél. 05.63.35.80.70.
(2) Tél. 01.40.56.08.68.
IVG adolescentes : l'exemple néerlandais
Les médecins et intervenants sociaux impliqués dans la prise en charge de l'IVG en Gironde proposent une « nouvelle politique » sur la contraception et la sexualité. Dans ce département, comme dans l'ensemble du pays, on enregistre un taux d'avortements chez les mineures de l'ordre de 4,9 à 5,9 %. Or, aux Pays-Bas, le taux d'IVG adolescentes est de 0,45 %, souligne le Dr Patrick Klébaner, responsable de l'unité de prévention prénatale et de planification familiale du service de PMI du conseil général girondin. Les Néerlandais, comme les Suédois, ont mis en place « une éducation à la sexualité systématique, avec un accès simple et gratuit à la contraception », tout en facilitant le recours à l'interruption volontaire de grossesse. En France, « nous sommes trop frileux », regrette le spécialiste. Et, ajoute-t-il, « la peur d'être examinées empêche souvent les adolescentes de venir nous consulter ».
« Oui, confirme le Dr Sandrine Esquerre, si nous avons tant de grossesses, c'est que la prévention est mal faite. »« Pour ma part, déclare Cécile Dorthe, responsable de l'un des 28 centres de planification de la Gironde, quand on me demande la pilule du lendemain, je dis : "Attention, c'est une méthode de rattrapage, pas un moyen de contraception. Ça peut ne pas marcher". »
D'où l'importance, pour les acteurs de terrain de la Gironde, du projet de loi, qui sera examiné au printemps, prévoyant notamment l'allongement du délai légal d'IVG à 14 semaines d'aménorrhée, sans autorisation parentale obligatoire pour les mineures, la délivrance sans ordonnance de pilules dans les officines et des séances d'information dans les lycées.
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