LA SANTE EN LIBRAIRIE
E N 1967, le Dr Zwang étonnait quelque peu avec un texte intitulé « le Sexe de la femme », accompagné de croquis anatomiques. Il a, depuis, considérablement enrichi son œuvre de sexologue passionné, et il est heureux aujourd'hui de pouvoir « enfin faire aboutir (son) dessein : donner à connaître dans son exacte vérité visuelle ce qui (l') a toujours le plus intéressé en sexologie : le sexe normal des gens normaux, ici des femmes normales. » Car, désormais, cette « exacte vérité visuelle » peut être rendue par la photographie, quand, en 1967, « la mise en vente libre des représentations photographiques sur lesquelles figuraient des poils pubiens » était interdite.
Les poils sont donc de toutes les pages, sauf de la première, qui montre des fillettes à la vulve bien visible en position debout. La croissance qu'elles illustrent est vite achevée, avec deux adolescentes aux caractères sexuels secondaires naissants, puis avec une belle femme, « dans la pose de la Source d'Ingres ».
Le regard photographique va dès lors se focaliser sur ce sexe prodige : « Quelle profusion de détails, replis, fossettes, pertuis, sillons, vallons, zones boisées, espaces lisses, plages de couleur variée, voiles changeants... Un véritable ouvrage d'orfèvre. » Entre lyrisme et anatomie, l'auteur va illustrer et commenter les différents éléments de la zone génitale accessible à l'œil et leurs multiples variations en fonction des individus, de la pilosité aux grandes lèvres, du clitoris au bas-vagin.
Une « ensorcelante œuvre d'art »
Le sexologue n'en a pas pour autant fini de chanter le sexe féminin, « cette ensorcelante œuvre d'art qui passionne, captive, enchante tous les hommes - sauf les 5 % d'uranistes adultes irréductibles ».
L'ayant avec cet atlas surtout mis en images, il lui restait beaucoup à dire, notamment « aux hommes et aux femmes cultivés pour qui l'amour et ses plaisirs, restent la plus grande affaire d'une vie humaine ». Il a donc rassemblé à leur intention, sous le titre « Eloge du con », un certain nombre d'articles, le plus souvent destinés aux « Cahiers de sexologie clinique ». Un peu d'étymologie, quelque analyse de textes littéraires autour du mot con introduisent un propos toujours allègre, où se mêlent avec naturel précision anatomo-physiologique, indignations ciblées sur l'un ou l'autre des innombrables ennemis des femmes, et interprétations aussi éloignées que possible de Freud, ennemi numéro un de l'auteur. On trouve ainsi une charge anti- « déboisement » et propilosité, une défense vigoureuse de la beauté vulvaire, une histoire circonstanciée et un commentaire du fameux tableau de Courbet « l'Origine du monde », la recension des embellissements (à proscrire) de la région vulvaire imaginés par les humains, la remise en place d'un clitoris trop souvent malmené par des anatomistes approximatifs, par des physiologistes et des sexologues décidés à « calquer la fonction érotique des femmes sur celle des hommes », une incitation argumentée à la méfiance envers la sodomisation.
Il y a cent ans déjà
Sexologue trouvant la sexologie souvent par trop ennuyeuse, Gérard Zwang a donc traversé plus de trente ans de sexologie en gardant le même enthousiasme pour le sexe, surtout féminin et ses merveilles. Alfred Binet, quant à lui, surtout connu pour avoir le premier proposé un test destiné à mesurer l'intelligence des enfants, ne s'est jamais réclamé d'une sexologie qui n'existait pas ; le psychologue n'en a pas moins écrit en 1905 un texte intitulé « le Fétichisme dans l'amour » qui a marqué aussi bien les psychiatres que les psychanalystes - dont Freud lui-même - et les sexologues. En rééditant ce texte, la petite bibliothèque Payot montre d'abord que nous ne sommes pas si éloignés du siècle dernier, l'analyse du psychologue gardant sa pertinence et son style gardant toute sa clarté. Elle élargit aussi un regard que les années soixante-dix avaient focalisé sur la libération sexuelle plus que sur la « fonction érotique », pour reprendre les termes de Gérard Zwang.
Les abus sexuels expliqués aux enfants
Le changement est net en ce début de siècle, quand l'accent est mis sur « l'amour » plus que sur le sexe comme dans bien des ouvrages récents, et notamment dans celui du psychanalyste Paul Verhaeghe. Non sans humour, l'auteur décrit les affres du couple d'aujourd'hui, entre biologisme et technique sexuelle, entre pulsion et amour, entre manque et pouvoir... C'est en psychanalyste qu'il s'efforce de retrouver les chemins d'un indispensable amour.
Le changement est net aussi quand, offrant aux parents des clés pour parler « d'amour... et de sexualité » à leurs enfants et à leurs adolescents, une sexologue québécoise inclut dans ses avis tout un chapitre sur les abus sexuels, l'inceste, la pornographie, ainsi qu'une bonne partie de chapitre aux traumatismes sexuels et affectifs. Il est plus net encore quand le même auteur consacre tout un livre à expliquer les abus sexuels aux enfants. Certes, elle insiste sur la nécessité de ne pas sensibiliser les enfants « à la dimension de l'exploitation sexuelle sans avoir, au préalable, été informés de faits sexuels épanouissants et respectueux » ; elle recommande aussi aux mères de ne pas paniquer et aux pères de rester naturels. Mais les chiffres d'abus sexuels à l'encontre d'enfants comme les conséquences évoquées, la multiplicité des situations d'abus, l'inventivité des techniques de prévention soulignent bien cette face sombre de la sexualité que la société actuelle semble décidée à combattre.
« Atlas du sexe de la femme », Gérard Zwang, La Musardine, 175 pages, 290 F (44,21 euros).
« Eloge du con », Gérard Zwang, La Musardine, 206 pages, 69 F (10,52 euros).
« Le Fétichisme dans l'amour », Alfred Binet, Petite Bibliothèque Payot, 126 pages.
« L'Amour au temps de la solitude », Paul Verhaeghe, Denoël Médiations, 110 F, 264 pages, 110 F.
« Parlez-leur d'amour et de sexualité », Jocelyne Robert, Les éditions de l'homme, 190 pages, 115 F.
« Te laisse pas faire ! », Jocelyne Robert, Les éditions de l'homme, 105 pages, 79 F (12,04 euros).
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