Le natalizumab dans la sclérose en plaques

Résultats à trois ans de TYSEDMUS

Publié le 09/06/2011
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PAR LE Pr SANDRA VUKUSIC*, au nom du groupe TYSEDMUS

LE NATALIZUMAB est un anticorps monoclonal anti-alpha4-intégrine humanisé, qui agit en empêchant la migration des lymphocytes à travers la barrière hémato-encéphalique. Il est indiqué en monothérapie comme traitement de fond des formes très actives de sclérose en plaques (SEP) récurrente-rémittente. Du fait de son efficacité, il représente une avancée déterminante dans le traitement de la SEP, puisqu’il réduit le taux de poussées à 2 ans de 68 %. Malheureusement, son utilisation expose à un risque d’infections opportunistes, en particulier de leuco-encéphalite multifocale progressive (LEMP), dont le risque fait l’objet de réévaluations mensuelles en fonction du nombre des cas notifiés dans le monde. Au 4 mai 2011, il est estimé à 2,76 pour 1 000 chez les malades ayant été traités au-delà de 24 mois (source Biogenidec, 11 mai 2011). Il est augmenté en cas de traitement immunosuppresseur antérieur ou de présence d’anticorps anti-virus JC. Par ailleurs, il existe un risque potentiel de cancers et de lymphomes, même s’il paraît très faible dans le cadre de ce suivi limité à 3 ans. Pour toutes ces raisons, la commercialisation du natalizumab en France a été assujettie par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) à un plan de gestion des risques (PGR) spécifique.

L’organisation des neurologues français pour la prise en charge de la SEP a des spécificités uniques au monde. Elle est fondée sur deux réseaux complémentaires et étroitement interconnectés : les 28 centres experts SEP des centres hospitalo-universitaires (CHU) et les 16 réseaux de soins ville-hôpital régionaux dédiés à la SEP. Tous partagent une base de données informatique unique, EDMUS, qui est totalement intégrée à la pratique quotidienne, permettant une description complète et l’enregistrement de tous les aspects de la SEP ; cela conduit à la constitution d’une cohorte nationale ouverte de plus de 30 000 personnes atteintes de SEP, enregistrées au format EDMUS.

Le réseau français EDMUS s’est ainsi vu confier par l’AFSSAPS l’étude pharmaco-épidémiologique postmarketing TYSEDMUS. C’est la toute première fois qu’une étude effectuée dans le cadre d’un PGR est confiée à une institution académique et non à la compagnie pharmaceutique commercialisant le produit. De plus, TYSEDMUS est menée en partenariat avec la société scientifique (Société française de neurologie) et l’organisation professionnelle de la spécialité (Fédération française de neurologie). En 2010, Biogen-Idec France s’est associé à TYSEDMUS par le biais d’un soutien financier inconditionnel, garantissant l’indépendance intellectuelle et scientifique de l’étude par un contrat entre l’AFSSAPS, les Hospices Civils de Lyon, la fondation Eugène Devic EDMUS et Biogen-Idec France. Ce soutien a permis de mettre à disposition des investigateurs régionaux du temps d’attaché de recherche clinique pour l’aide à la saisie des données, dans l’objectif d’améliorer la qualité et l’exhaustivité des données.

Tous les neurologues français sont invités à participer.

TYSEDMUS est une étude observationnelle prospective, multicentrique, permettant de surveiller les effets du natalizumab chez les patients SEP traités en France. Son objectif principal est de déterminer le profil de sécurité d’emploi du natalizumab à court, moyen et surtout long terme. Elle apportera aussi des informations sur l’évolution clinique en termes de poussées et d’accumulation du handicap, sur les conditions d’utilisation du produit en situation réelle de prescription et permettra, à plus long terme, de comparer l’incidence des infections graves et des cancers chez des patients exposés et d’autres non exposés au natalizumab.

Tous les neurologues français sont invités à y participer, quel que soit leur mode d’activité, qu’ils utilisent ou non le logiciel EDMUS. Pour cela, des fiches papier simples doivent être remplies et adressées au centre de coordination national TYSEDMUS, à Lyon. Les neurologues qui sont organisés régionalement peuvent également passer par leur centre expert régional ou leur réseau ville-hôpital. Les effets indésirables graves doivent être signalés sur une fiche spécifique au centre de coordination TYSEDMUS, mais aussi, et conformément à la réglementation pour tous les médicaments, au Centre Régional de pharmaco-vigilance.

En novembre 2010, après 3 ans d’inclusions, les données complètes de 1 859 patients ont été analysées. Un supplément de 1 275 patients a été déclaré au centre de coordination, avec un suivi prospectif colligé sur les fiches de recueil papier, mais sans encore d’informatisation dans la base de données par manque de moyens. Parmi les 1 859 malades de l’analyse, 64 % avaient été traités plus d’un an et 34 % plus de deux ans. La tolérance immédiate de la perfusion de natalizumab était excellente. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés (1 à 3 % des perfusions) étaient les suivants : asthénie, céphalées, éruption ou prurit, nausées ou vomissements. Quatre-vingt six événements indésirables graves ont été rapportés, chez moins de 4 % des patients, dont 2 cas de LEMP, 3 décès (1 LEMP, 1 leuco-encéphalopathie fulminante à mycoplasme et 1 arrêt cardio-respiratoire d’origine inconnue entre la deuxième et la troisième perfusion), 17 réactions allergiques graves et 3 cancers. Environ 13 % (12,9%) des patients ont arrêté leur traitement. Les causes d’arrêt les plus fréquentes étaient : allergie/intolérance (3,6 %), inefficacité (2,7 %), événements indésirables graves (2,1 %), désir de grossesse (2 %) et présence d’anticorps anti-natalizumab persistants (1,3 %). Le taux annualisé de poussées est passé de 2,01 dans l’année ayant précédé le traitement, à 0,31 au cours de la première année de traitement, soit une réduction de 85 %, et s’est maintenu chez les patients traités deux et trois ans. Ce résultat confirme l’excellente efficacité du natalizumab sur les poussées. Le pourcentage d’IRM actives (au moins une lésion prenant le contraste) a diminué de 89 % à un an. Enfin, l’étude confirmait le bon usage du natalizumab par les neurologues français en conditions réelles d’utilisation.

Un outil de référence.

TYSEDMUS est le premier exemple d’une étude pharmaco-épidémiologique entrant dans le cadre d’un PGR confié à une structure académique, réussi grâce à l’organisation d’une communauté neurologique motivée et à l’existence en France depuis 20 ans du réseau EDMUS. C’est un modèle de collaboration efficace, bien définie et bien comprise entre partenaires publics et privés. C’est enfin un outil de référence offrant des perspectives pour une organisation mutualisée des PGR à venir, dans le cadre de la mise en place de l’Observatoire Français de la SEP, qui a été sélectionné parmi les projets Cohortes du programme « Investissements d’Avenir » par le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, dotant ainsi le pays d’un « plan SEP » unique au monde.

*Service de Neurologie A, hôpital neurologique Pierre Wertheimer, Bron.


Source : Bilan spécialistes