APRÈS CES DEUX LONGS mois de vacances, les enfants ont peu à peu décalé leur sommeil : ils se lèvent plus tard et veillent plus longtemps le soir. L’heure de la rentrée ayant sonné, il faut se réadapter aux horaires pour prévenir les premiers signes de fatigue et de stress. Pour Hubert Montagner, ancien directeur de recherche à l’INSERM et auteur de « l’Arbre enfant - Une nouvelle approche du développement de l’enfant » *, il est important de « créer les conditions pour que le rythme veille-sommeil des enfants soit le plus régulier possible », dans un climat de confiance. « Les trois quarts des parents tombent dans ce travers : ils mettent la pression scolaire à leurs enfants avant même que les cours n’aient vraiment repris ».
À tous les âges, estime le chronobiologiste, il faut respecter des « rituels d’endormissement » afin d’accompagner les enfants dans le sommeil, sans les bousculer ni les culpabiliser. « Il doit y avoir, après le dîner, un temps de convivialité et de tendresse : c’est la clé pour que l’enfant aille dormir plus tôt, sans souci ». Hubert Montagner se garde bien de donner des horaires, lesquels varient en fonction des habitudes familiales. Mais il incite les parents à surveiller les premiers indicateurs d’endormissement et à ne pas les laisser s’envoler. Il est primordial de convaincre les enfants de l’importance du sommeil pour qu’ils puissent faire face à la vie scolaire, à leurs défis sportifs mais aussi à leur vie affective, voire sexuelle. Savent-ils que le sommeil est essentiel pour que l’hypophyse puisse secréter l’hormone de croissance somatropine ? Inutile de les réveiller aux lueurs de l’aurore lorsque le week-end arrive : au contraire, conseille Hubert Montagner, « il faut les laisser dérouler leur nuit de sommeil afin de se rendre compte du temps dont ils ont besoin ».
La journée la plus longue.
Respecter leur rythme de sommeil, c’est leur fournir une arme indispensable contre des temps scolaires qui ne sont pas adaptés « aux réalités constituées par les rythmes de l’enfant », dénonce Hubert Montagner. « Les écoliers français subissent la journée scolaire la plus longue du monde, y compris pour les enfants de l’école maternelle, âgés de 3 à 6 ans. Cela se traduit par une difficulté ou impossibilité d’être vigilants et attentifs pendant trois heures au cours de chaque matinée, et en conséquence une difficulté ou impossibilité à traiter les informations, et donc à comprendre et apprendre ». Au-delà de la bonne volonté des enseignants, la journée scolaire est particulièrement épuisante, « anxiogène et démotivante » pour les enfants vulnérables, en échec et en désamour de l’école, « envahis par les troubles du comportement ». À cela, il faut ajouter les autres temps contraints de la journée comme celui des devoirs à la maison ou de l’aide personnalisé.
Par ailleurs, la semaine de 4 jours imposée en 2008 par le ministère de l’Éducation nationale constitue, selon Hubert Montagner, « une nouvelle forme de maltraitance ». Dans un rapport de 2010 sur l’aménagement du temps scolaire et la santé de l’enfant, l’Académie de médecine dénonce elle aussi cette mesure qui ne serait pas favorable à l’enfant. Celui-ci se trouve en effet « plus désynchronisé le lundi et le mardi matin que dans la semaine habituelle de 4 jours et demi ». Cette désynchronisation se matérialise par des troubles atypiques tels que la fatigue, la mauvaise qualité du sommeil et de l’appétit, des troubles de la concentration et des performances moindres. Une expertise collective de l’INSERM, menée en 2001, soulignait que les variations hebdomadaires de l’activité intellectuelle sont, à la différence des variations journalières, davantage le reflet de l’aménagement du temps scolaire que d’une « rythmicité endogène propre à l’élève ». Pour tenir compte des données biologiques, estiment les Académiciens, il faudrait une année scolaire de 180 à 200 jours au lieu des 144 jours de classe actuels (avec la réduction des grandes vacances), 4 à 6 heures par jour selon l’âge de l’élève et 4 jours et demi à 5 jours de classe par semaine en fonction des saisons ou des conditions locales.
Les rythmes scolaires en question.
En juin dernier, le ministre de l’Éducation Luc Chatel a installé le comité de pilotage de la Conférence nationale sur les rythmes scolaires, qui va travailler pendant près d’un an sur la question. Coprésidé par Christian Forestier, administrateur général du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), et Odile Quintin, de la Commission européenne, ce comité sera chargé, dans un premier temps, de consulter les acteurs concernés par le sujet : organisations syndicales, parents d’élèves, élèves, monde associatif, monde économique et social. François Testu, professeur en psychologie, et Yvan Touitou, chronobiologiste, font partie des 18 membres du comité. Un premier rapport d’étape est prévu en janvier 2011. Les pistes de travail retenues seront présentées à la mi-mai 2011, même si le calendrier scolaire est déjà fixé pour les trois prochaines années. Toutefois, dès cette rentrée, un nouveau rythme scolaire avec cours le matin et sports l’après-midi va être aménagé dans certaines classes de 124 collèges et lycées en France. Cette expérimentation qui concerne plus de 7 000 élèves doit permettre, entre autres, « une adaptation de la politique de santé aux besoins des élèves ».
*Odile Jacob, septembre 2006, 352 p., 25,50 euros.
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