ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
D ANS le tohu-bohu des années d'après-guerre, alors que Paris se secouait après quatre années d'inertie, une bataille s'est engagée entre partisans d'une abstraction géométrique (dite froide) et ceux d'une abstraction lyrique, elle-même divisée entre peintres de la matière, tachistes, informels. La théorie s'empare de démarches qui valent surtout pour leur singularité, l'originalité de leur propos et l'expression d'un tempérament.
Sortie des lois de l'histoire, l'uvre de Gérard Schneider est d'une parfaite lisibilité et cohérente tant dans son développement que dans son esprit. Contrairement à ceux avec lesquels on a tendance à le comparer (dont Hartung et Soulages, parce qu'ils ont souvent exposé ensemble et se sont retrouvés côte à côte dans ces « années de combat »), Schneider vient de la peinture classique. Il était restaurateur de tableaux anciens et avait une connaissance profonde, de l'intérieur, des techniques dont il gardera le goût. Il avait abordé la peinture parallèlement à son travail de restaurateur et restera de nombreuses années sans rien montrer sinon, fortuitement, au salon des Surindépendants. La fracassante entrée sur la scène de la vie artistique des années 1950 inaugure une longue carrière où il développe ce lyrisme sombre, cette ardeur pleine et riche, avec une pointe de romantisme, le goût des lumières crépusculaires, la touche puissante et emportée, charriant des masses de couleurs comme la tempête creuse la vague. Sans référence réaliste ni évocation, faisant passer dans la peinture les pulsions nées des sensations, les forces élémentaires de la vie, donnant à sa peinture sa véritable dimension qui est hors de l'image, dans un espace original où elle est une sorte de prise de conscience du monde dans sa totalité. Une symphonie de l'universel. Michel Ragon, qui fut l'un des premiers défenseurs de l'artiste, a pu déclarer : « L'abstraction lyrique s'est surtout incarnée dans Gérard Schneider, comme le cubisme dans Picasso ».
Le situer au plus haut de la hiérarchie de sa génération, c'est lui rendre justice.
« Schneider, pour le plaisir ». Galerie Applicat-Prazan, 16, rue de Seine, Paris-6e. Jusqu'au 17 mars.
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