De notre correspondante
L ORSQU'UNE infection bactérienne aiguë se complique d'une septicémie sévère, avec choc, acidose, oligurie ou hypoxémie, la mortalité reste élevée, malgré tous les efforts thérapeutiques, avec un taux de décès compris entre 30 et 50 %.
Ces quinze dernières années, divers traitements visant à atténuer les premiers événements inflammatoires dans la septicémie ont été évalués, mais sans succès. Une des raisons de cet échec pourrait être de n'avoir pas reconnu à temps le rôle important de la cascade de coagulation dans la septicémie. En effet, en réponse à l'infection, les cascades inflammatoires et procoagulantes de l'hôte sont étroitement liées. Les cytokines inflammatoires, comme le TNF alpha (facteur de nécrose tumoral), l'interleukine 1 bêta et l'interleukine 6, sont capables d'activer la coagulation et d'inhiber la fibrinolyse, tandis que la thrombine procoagulante est capable de stimuler de multiples voies inflammatoires. Le résultat final peut être une lésion endovasculaire diffuse, une dysfonction des organes et le décès.
Trouvée à des taux abaissés chez la plupart des patients
La protéine C activée pourrait être efficace pour plusieurs raisons. Cette protéine endogène est trouvée à des taux abaissés chez la plupart des patients septicémiques et ce déficit est associé à un risque accru de décès. La conversion de la forme inactive en protéine C active peut être diminuée durant la septicémie, car la thrombomoduline requise pour cette conversion est régulée négativement par les cytokines inflammatoires. Enfin, la protéine C diminue la formation de thrombine et stimule la fibrinolyse.
Des études chez le babouin atteint de septicémie sévère ont montré que la protéine C activée améliore la survie. Une étude de phase 2 a montré que la protéine C activée humaine recombinante diminue les marqueurs de l'inflammation et de la coagulopathie chez les patients atteints de septicémie sévère.
L'étude de phase 3, conduite par Bernard (Vanderbilt University, Nashville) et coll., est une large étude internationale randomisée, contrôlée par placebo, en double insu. Cette étude, qui sera publiée dans le « NEJM » le 8 mars prochain, a immédiatement été rendue publique en raison de ses conséquences cliniques.
Elle porte sur 1 690 patients ayant une septicémie sévère (avec au moins trois signes d'inflammation systémique et une dysfonction d'au moins un organe, liée à l'infection aiguë, pendant moins de vingt-quatre heures). Ces patients n'ont pas de risque élevé de saignement (pas d'hépatopathie chronique, pas de dialyse, pas de chirurgie récente ou de thrombopénie ou de prise d'aspirine dans les trois jours précédents).
24,7 % de décès dans le groupe traité
Les patients ont été randomisés afin de recevoir une perfusion IV soit de drotrecogine alfa activée (24 μg/kg/h pendant 96 heures), soit de placebo. L'efficacité est évidente. Le taux de décès à 28 jours est de 30,8 % dans le groupe placebo comparé à 24,7 % dans le groupe traité. Le traitement est ainsi associé à une réduction de 20 % du risque relatif de décès et à une réduction absolue de 6,1 % du risque de décès. Autrement dit, une vie supplémentaire est sauvée pour 16 patients traités.
Le traitement est efficace quels que soient l'âge, la sévérité de la maladie, le site d'infection et le type Gram positif ou négatif de la bactérie. Il est remarquable de voir qu'au moment du traitement, plus de 70 % des patients étaient en état de choc et 75 % recevaient déjà une ventilation mécanique. L'administration de la protéine C activée, qui a des propriétés anticoagulantes, a été associée à un petit risque accru de saignement sérieux (3,5 % contre 2 %), mais sans besoin accru de transfusion.
« Dans une étude qui fait date, Bernard et coll. ont apporté la preuve que la mortalité peut être réduite chez les patients ayant une septicémie sévère, et ceci grâce à un agent qui inhibe à la fois les cascades procoagulantes et inflammatoires », déclare dans un éditorial associé le Dr Michael Matthay. « Pour l'instant, souligne-t-il, le traitement est indiqué seulement pour les patients qui ont une septicémie sévère, sans risque élevé de saignement. Les futures études devront évaluer le traitement chez les enfants, les patients immunodéprimés, et ceux à risque de saignement. »« D'autres agents visant à inhiber la coagulation et l'inflammation sont en cours d'évaluation », note-t-il.
« New England Journal of Medicine », 8 mars 2001, www.nejm.org
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