De notre correspondant
L E sénateur communiste Guy Fischer, vice-président de la commission des Affaires sociales, aimerait bien que le dossier du « syndrome du Golfe » « sorte de l'enlisement et des brumes » dans lesquels le maintiennent à la fois les « silences assourdissants et gênés et les réponses contradictoires » du ministère de la Défense, les lenteurs de la mission parlementaire lancée en octobre dernier et... le temps qui passe.
Ce sera sa première démarche dès la réouverture de la session parlementaire. Et il sait, dit-il, que d'autres personnalités un peu « remuantes » bien qu'elles appartiennent à d'autres bords politiques que le sien, comme Claude Huriet ou encore Charles Descours, devraient le soutenir.
210 dossiers à l'étude
Car, selon Christine Abdelkrim-Delanne*, la journaliste cofondatrice d'Avigolfe, « plus on laisse passer les mois, plus les messages que reçoit l'association témoignent que se succèdent les décès d'anciens combattants soit par maladie, soit par suicide, soit les deux ». L'association, sans aucun moyen autre que le bénévolat, achève actuellement le dépouillement de 210 questionnaires médicaux qu'elle a reçus dûment remplis : ils font état de toutes sortes de pathologies (tumeurs cancéreuses et leucémies, troubles psychiques, troubles profonds de l'humeur, du comportement, insomnies chroniques, troubles musculaires, manifestations cutanées soudaines et inexpliquées, etc.). Un tableau extrêmement varié qui, selon elle, justifie sa revendication principale : que soit scientifiquement recherché le lien entre les conditions de séjour des soldats français dans le Golfe (environnement, exposition à des sources potentiellement contaminantes, médications, vaccinations...) et les pathologies diagnostiquées aujourd'hui. Pour que leur soit accordée une « juste indemnisation-réparation ». Christine Abdelkrim-Delanne va même jusqu'à dire que, si ce lien ne peut être établi, que l'on fasse quand même jouer, en vertu de la seule présomption de causalité, le principe de la réparation.
L'association Avigolfe vient d'être rejointe dans son combat par la puissante Fédération nationale des anciens des missions extérieures (FNAME), une organisation mutualiste basée à Lyon, non suspecte de gauchisme antimilitariste, qui regroupe plusieurs milliers d'adhérents, dont beaucoup d'officiers et d'officiers supérieurs. La FNAME a écrit à tous les députés et sénateurs pour réclamer, elle aussi, une commission d'enquête, afin que l'affaire ne soit pas « tranquillement étouffée » par la mission parlementaire d'information actuellement à l'uvre. Devant laquelle les personnes entendues ne sont pas astreintes à déposer sous serment, et dont les travaux ne peuvent en aucun cas déboucher sur l'ouverture d'une instruction judiciaire.
* Auteur de « la Sale Guerre propre », Le Cherche Midi Editeur.
« Juste en savoir plus »
Le Dr M. F. était anesthésiste à l'hôpital militaire Desgenettes, à Lyon. Il a servi dans le Golfe puis les Balkans avant de décéder, à l'âge de 43 ans, en 1997, de trois tumeurs successives, à la lèvre, au côlon, au foie. D'abord soigné à Desgenettes, il a fini ses jours à l'hôpital Lyon-Sud.
Mère de trois jeunes enfants, sa veuve, infirmière aux Hospices civils de Lyon, vient d'apporter son témoignage à l'association Avigolfe, à laquelle elle a adhéré « pour en savoir plus » : à l'époque, les médecins traitant son mari lui ont dit en effet « qu'ils n'avaient jamais vu cela chez un patient de 40 ans ». Après le décès de son mari, elle s'est adressée à la commission de réforme, espérant pouvoir bénéficier d'une pension pour ses enfants. En vain : cette démarche « aurait dû être effectuée avant sa mort ».
Cette jeune femme pondérée ne hausse pas le ton, elle n'accuse personne. Au journaliste, elle explique sobrement son « simple besoin de savoir ce qui s'est passé, si cette mort est liée aux activités de mon mari qui, dans le Golfe, a d'emblée été affecté au côté des troupes américaines, et qui a donc pu par exemple subir les vaccinations systématiques imposées aux soldats américains ». Grâce à l'association, elle « se sent aujourd'hui moins seule » et se déclare décidée à « tout faire pour savoir la vérité ».
Sa recherche va commencer dans les prochains jours : par l'entremise d'un médecin, elle va demander le dossier médical de son mari et le faire expertiser. Pour en avoir le cur net.
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