Ménopause

THM : l'étude qui rassure

Publié le 22/09/2017
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De nombreux travaux se succèdent sur le traitement hormonal de la ménopause, ses avantages et ses risques. Le dernier d’entre eux paru dans le JAMA apporte des conclusions importantes avec des arguments pour rassurer les patientes.
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Crédit photo : BURGER/PHANIE

D’après un article du JAMA publié le 12 septembre dernier, on ne constate pas de surmortalité chez les femmes ayant pris un traitement hormonal de la ménopause (THM) durant 5 à 7 ans et suivies durant 18 ans. Cette publication est d’autant plus intéressante qu’elle concerne des patientes incluses dans la fameuse étude WHI (Women’s Health Initiative) qui, en 2002, avait révélé des risques liés au THM. Rappelons que cette étude avait été arrêtée en cours de route, le rapport bénéfice/risque se révélant en défaveur du traitement (sur-risque de cancers du sein et d’accidents cardio-vasculaires).

Dans l’article du JAMA nouvellement paru, le suivi de 18 ans (durant la phase interventionnelle et après) a porté sur 27 347 femmes incluses au début de cette étude randomisée. Parmi celles-ci 7 489 femmes sont décédées, 1 088 durant la phase interventionnelle et 6 401 lors la phase de suivi. Les raisons et l’âge de la mortalité ont pu être analysés.

Pas de risque de surmortalité

Toutes causes confondues, la mortalité était de 27,1 % dans le groupe THM versus 27,6 % dans le groupe placebo, sans différence notable entre les deux volets de l’étude évaluant les différents traitements : œstrogènes équins conjugués (CEE) + acétate de médroxyprogestérone (8 506 patientes) versus placebo (8 102 patientes) pendant 5,6 ans ; l’autre volet comparait la prise de CCE seul (n=5 310) versus placebo (n=5 429) durant 7,2 ans.

Dans le pool de la cohorte de mortalité cardio-vasculaire le Hazard Ratio (HR) était de 1,00 (95 % CI, 0,92-1,08 [8,9 % avec le THM versus 9,0 % avec le placebo]) ; pour la mortalité par cancer le HR était de 1,03 (95 % CI, 0,95-1,12 [8,2 % avec le THM versus 8,0 % avec le placebo]) ; pour les autres causes le HR était de 0,95 (95 % CI, 0,88-1,02 [10,0 % avec le THM versus 10,7 % avec le placebo]).

Cette étude, qui a analysé les mortalités par tranche d’âge, confirme qu’un traitement entrepris très tôt, au début de la ménopause, tend même à diminuer le risque de mortalité (lire entretien ci-dessous). À noter qu’en plus de cet article, une étude parue en juillet dernier dans l’European Journal of Cancer montre une diminution du risque de cancers digestifs chez des femmes utilisant un THM au début de leur ménopause. Et l’augmentation du risque de cancer des organes génitaux est pratiquement compensée par la diminution du risque de cancers digestifs.

Enfin, on sait qu’en France le traitement prescrit est différent de celui analysé dans beaucoup de publications. Des travaux apportent des arguments en faveur du traitement percutané avec moins d’accidents veineux et, vraisemblablement, pas ou peu d’augmentation du risque d’AVC
ischémique.

En 2014, la Haute Autorité de santé rappelait le service médical rendu important des THM, avec pour risques principaux les cancers du sein, de l’endomètre et de l’ovaire, le risque thrombo-embolique veineux et d’accident vasculaire cérébral.

Pr Geneviève Plu-Bureau* : « Il serait dommage de priver certaines patientes de ce traitement »

Quelles conclusions tirer de l’article publié mi–septembre dans le JAMA ?

Pr Geneviève Plu-Bureau Cette étude apporte des conclusions importantes sur le THM et ses risques. En plus de l’absence de surmortalité, on note une baisse de la mortalité pour certaines tranches d’âge.

Quelle est la tranche d’âge la plus bénéficiaire du THM ?

Pr G. P.-B.  Cette étude confirme qu’en utilisant un THM tôt, au début de la ménopause, la mortalité toutes causes confondues est plus basse chez les femmes jeunes traitées (entre 50 et 59 ans) comparativement aux femmes plus âgées traitées. Cet article est un argument supplémentaire pour prescrire un THM rapidement après la ménopause aux femmes qui en ont besoin, notamment celles souffrant d’un syndrome climatérique trop souvent écartées d’un traitement qui pourrait nettement améliorer leur qualité de vie.

Peut-on aller jusqu’à la « réhabilitation » du THM ?

Pr G. P.-B.  Comme tout traitement, il faut évaluer la balance bénéfice/risque. Ainsi, ces nouvelles données nous permettent d’être rassurants. Il est surtout dommage que des femmes ayant des indications au traitement n’en bénéficient pas, en particulier les femmes jeunes qui souffrent d’une insuffisance ovarienne prématurée et qui sont davantage sujettes à des problèmes futurs. Pour éventuellement modifier les recommandations de la HAS, l’idéal serait de mettre en place en France un essai randomisé comparant le traitement par voie percutanée vs placebo. Cela serait un travail de grande envergure nécessitant d’inclure de nombreuses femmes, donc probablement beaucoup trop cher, et difficilement réalisable dans les conditions actuelles où la priorité des autorités de santé n’est pas dans ce domaine.

*Gynécologue médicale, hôpital Port-Royal, AP-HP, Paris.

Dr Nicolas Evrard

Source : Le Généraliste: 2806