Municipales 2001
De notre envoyée spéciale à Toulouse
D EPUIS une semaine, un petit nuage rose flotte au-dessus de la ville éponyme. Et sur ce petit nuage, il y a le Dr François Simon. Le candidat surprise des militants socialistes toulousains. Le challenger de l'héritier désigné de Dominique Baudis. L'« obscur », comme l'ont un temps désigné ses adversaires, y compris dans son propre camp.
Le vent a tourné, ces jours derniers, sur les rives de la Garonne. Donné facilement gagnant dans la course au Capitole depuis son « intronisation » il y a un an par le maire sortant, le Pr Philippe Douste-Blazy (UDF) n'est plus assuré d'occuper dans un mois le siège de maire de la quatrième ville de France, les sondages le lui prouvent (1). François Simon, en revanche, s'autorise soudain à rêver à ce fauteuil, à cette écharpe tricolore tout à coup à portée de main. En ville, on lui donne déjà du « Bonjour monsieur le maire ». Les journalistes « de la capitale » affluent : ils veulent tous rencontrer ce généraliste inconnu qui fait vaciller un ancien ministre.
Alors, s'il se défend d'avoir « la grosse tête », le Dr Simon a tout de même du mal à toucher terre. Son QG de campagne est en ébullition, les téléphones bourdonnent, les photocopieuses ronronnent, les militants dopés par les derniers pronostics s'affairent en souriant. Grand et mince, impeccable dans son costume gris, chevelure et moustache argentées, François Simon surgit régulièrement de son bureau, en chef d'orchestre de la ruche. Lui aussi sourit, ravi de l'avenir qu'il ose s'imaginer, content du soutien que lui a promis Claude Nougaro, « fier » de continuer, à trente jours des élections, à exercer son métier de médecin généraliste une journée par semaine (d'ailleurs, il ne désertera pas complètement son cabinet s'il est élu, c'est promis).
« Un laboratoire extraordinaire »
Les autres listes de gauche, que les sondages créditent à elles quatre - Lutte ouvrière, 100 % à gauche, les Verts et Motivé-e-s, la liste des associatifs que soutient le groupe Zebda - de 25 à 30 % des intentions de vote, soit autant, voire plus, que pour sa propre liste ? Cela n'inquiète pas le Dr Simon. Certain du ralliement final de ces petites listes (« Je sais qu'on se retrouvera au second tour. Ceux qui disent l'inverse se trompent. »), il préfère faire de cette situation une richesse. « Ces listes posent la question politique sous un angle différent. Quand je vais gagner - si je gagne - nous allons nous retrouver avec une modernité qu'aucune autre ville de France n'aura. A la mairie de Toulouse, toute la société sera représentée. Nous allons être un laboratoire extraordinaire, je vais être la synthèse de tout cela. »
François Simon est aujourd'hui suffisamment sûr de son fait pour s'offrir le luxe de renvoyer des électeurs vers son adversaire. Au marché, un matin de semaine, entre tomates et poulets rôtis, une dame interpelle le candidat socialiste :
- « Monsieur, je voudrais vous parler de l'insécurité. Qu'est-ce que vous comptez faire ? Parce que moi, je dis qu'il faut fermer les frontières et qu'un certain nombre de personnes doivent rentrer chez elles.
- Là, je vous arrête, je ne peux pas vous suivre.
- Hé bé, je voterai pour Douste-Blazy alors.
- Vu vos idées, c'est effectivement ce que vous devez faire. »
Pluie d'attaques
Philippe Douste-Blazy a fait, c'est vrai, de la sécurité un de ses principaux thèmes de campagne ; il propose d'augmenter les effectifs de police municipale, de développer des « maisons de la justice » pour une comparution immédiate des délinquants mineurs, assure que ces projets ne sont pas « sécuritaires » mais « de bon sens ». De fait, depuis quelques semaines que la campagne s'accélère à Toulouse, les attaques pleuvent. Assez peu confraternelles. L'offensive vient plutôt de la gauche. Quand Philippe Douste-Blazy se dit « déterminé à ne pas laisser cette ville magnifique, remarquablement gérée, à des mains inexpérimentées », François Simon ne se prive pas de répéter à qui veut l'entendre que c'est « une caricature de l'homme politique » qu'il a en face de lui, dépeint « un bonhomme ambitieux et carriériste », ajoute le qualificatif de « menteur » et finit par trouver « un peu lourd » ce peu flatteur portrait.
Une bataille
En animal politique aguerri, Philippe Douste-Blazy encaisse, positive. Les claques font le grand homme, pense l'ancien ministre de la Santé puis de la Culture, qui se dit stimulé par l'annonce d'un scrutin serré. « Nous voilà lancés dans une bataille, explique-t-il, et je préfère cela. Parce que gagner dans ces conditions sera bien plus fort que si la mairie paraissait m'être acquise d'office. » Il ne se passe presque pas un jour sans que la presse nationale évoque un possible changement de teinte de la ville rose, cette cité de gauche qui, depuis vingt-neuf ans, se choisit un maire de droite. Mais le Pr Douste-Blazy dit apprécier les échos parisiens : « Je suis content que l'on puisse comprendre que la mairie de Toulouse est un grand enjeu. » Veste de cuir noir, chaussures en daim : en dépit des mauvais sondages, c'est décontracté que le candidat de la droite fait campagne. Visitant au pas de charge la clinique Saint-Jean en attendant d'aller inaugurer la Fête de la violette, il entraîne dans son sillage la frêle et blonde Florence Baudis, fille de Dominique, inscrite sur la liste UDF-RPR-DL, incontestable gage de continuité donné aux Toulousains par celui à qui l'on reproche d'être un « parachuté ». Conscient aussi des nouvelles aspirations de la ville, de ce rejet de la politique traditionnelle qu'exprime le succès annoncé des Motivé-e-s (entre 12 et 17 % des intentions de vote), Philippe Douste-Blazy insiste sur la composition de sa liste, « faite pour 50 % de personnalités de la société civile n'ayant jamais fait de politique, n'appartenant à aucun parti ».
(1) « Le Figaro » du 12 février donnait Philippe Douste-Blazy vainqueur au second tour avec 51 % des voix (sondage IPSOS auprès de 500 personnes réalisé entre le 6 et le 8 février). Une semaine avant, un sondage CSA-France 3-Sud-Radio France prévoyait qu'avec un score de 49 %, l'ancien ministre serait battu (réalisé les 2 et 3 février auprès de 601 personnes) et une enquête IFOP-La Dépêche-Sud-Radio (auprès de 600 personnes les 29 et 31 janvier) pronostiquait une victoire de Pr Douste-Blazy à 54 %.
Peu de points communs
Leurs études de médecine sont leur seul point commun. Pour le reste, tout oppose le Pr Philippe Douste-Blazy et le Dr François Simon :
- Philippe Douste-Blazy, 48 ans, cardiologue, est né à Lourdes, a passé une partie de son enfance, fait ses études et débuté sa carrière de médecin hospitalier à Toulouse. Maire de Lourdes depuis 1989, il est aussi député des Hautes-Pyrénées et président du groupe UDF à l'Assemblée nationale. Il a été ministre délégué à la Santé entre 1993 et 1995, ministre de la Culture entre 1995 et 1997.
- François Simon, 46 ans, généraliste, est installé à Toulouse depuis 1982 (il est né dans la Loire, a grandi à Paris). Dans la ville rose, il a créé les Restos du cur bébé et une association d'aide au maintien à domicile des personnes âgées. Il est conseiller municipal socialiste depuis 1995, président du groupe socialiste au Capitole depuis 1996. Il a cosigné « la Fracture toulousaine », un ouvrage dénonçant la dégradation des conditions de vie dans certaines zones de sa ville.
La quatrième ville de France
- Population : 398 500 habitants (quatrième ville de France).
- Principales activités : l'aéronautique (la construction par Airbus du géant A-380 assure des milliers d'emplois aux Toulousains pour les années à venir), l'espace, la chimie, l'électronique.
- Taux de chômage : 12,5 %
- Maire sortant : Dominique Baudis (UDF), maire depuis dix-huit ans, élu en 1995 au premier tour avec 58,62 % des suffrages.
Les listes en présence :
- UDF-RPR-DL, conduite par Philippe Douste-Blazy,
- PS-PC-PRG-MDC, conduite par François Simon,
- Verts, conduite par Marie-Françoise Mendez,
- 100 % à gauche, conduite par Aline Pailler, soutenue par la LCR,
- Front national, conduite par Serge Laroze,
- Lutte ouvrière, conduite par Robert Roig,
- MNR, conduite par Jean-Pascal Sebera,
- Motivé-e-s, conduite par Salah Amokrane.
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