De notre correspondante
à New York
C ES deux efforts de recherche, notent les deux éditorialistes de « Science », Jasny et Kennedy, « ont été dépeints - souvent injustement - comme une compétition entre deux entreprises, l'une privée, l'autre publique. En réalité, chaque projet a aidé l'autre », soulignent-ils.
Les deux groupes ont suivi une approche différente. Selon une analyse comparative de Oliver et coll., publiée dans « Science », les deux séquences ont 36 % de différences et paraissent précieusement « complémentaires ».
L'équipe de Celera Genomics, qui comprend 282 chercheurs venant des Etats-Unis, d'Australie et d'Espagne, a commencé ses travaux il y a moins de trois ans et analysé l'ADN de cinq donneurs de sexe et d'origine ethnique différents.
Les chercheurs ont utilisé une stratégie innovante, informatisée au plus haut point, celle du « tir dispersé » (shotgun). Elle commence par fractionner le génome en un ensemble aléatoire de segments de longueur déterminée (2 000 paires de bases, 10 000 paires de bases et 50 000 paires de bases). Puis, grâce à des algorithmes mathématiques, en combinant les données des séquences de Celera et celles du projet public, les fragments séquencés ont été assemblés en blocs contigus et placés dans le génome.
La séquence (14,8 milliards de paires de bases), révélée dans « Science », est quasi complète et couvre, selon Venter et coll., avec précision 95 % du génome.
Cette séquence a révélé plusieurs surprises. La principale est le faible nombre de gènes humains trouvés - entre 26 000 et 38 000 - alors que certaines estimations situaient ce nombre entre 50 000 et 140 000. En supposant que le nombre final s'élève à 30 000 gènes, cela veut dire que nous aurions seulement un tiers de gènes en plus par rapport à l'organisme peu complexe qu'est le vers C. elegans. Jean-Michel Claverie (CNRS-AVENTIS UMR, Marseille) réfléchit sur les diverses conséquences de ce modeste nombre dans un article de « Science ».
Une autre révélation est la présence de vastes étendues quasi désertiques, exemptes de gènes codeurs de protéines. Ces déserts représentent environ un quart du génome. Plus d'un tiers du génome contient des séquences répétitives, ce qui suggère que ces éléments appelés « ADN de pacotille » méritent une étude approfondie.
Venter et coll. ont aussi identifié 2,1 millions de polymorphismes mononucléotides (SNP), les variations de bases entre les individus. Moins de 1 % de ces polymorphismes résultent en une protéine dysfonctionnelle, et le défi est maintenant de savoir lesquels.
On sait que deux individus pris au hasard partagent plus de 99,9 % du code génétique, note l'équipe de Celera, « ce qui veut dire que les glorieuses différences entre les individus de notre espèce qui peuvent être attribuées aux gènes tombent dans seulement 0,1 % du génome ».
Similitude de 99,9 % entre deux individus
« Il y a deux erreurs que nous devons éviter : le déterminisme, c'est-à-dire l'idée que toutes les caractéristiques d'une personne sont implantées solidement (hard-wired) par le génome, et le réductionnisme qui voudrait que, maintenant, avec la connaissance complète du génome humain, nous approchions du point où notre compréhension des fonctions et des interactions des gènes pourra nous fournir une description complète de la causalité de la variabilité humaine. »« Le véritable enjeu de la biologie humaine (...) résidera dans la recherche visant à expliquer comment nos esprits en sont arrivés à un point d'organisation de la pensée suffisant pour examiner notre propre existence. »
« Science » du 16 février 2001, p. 1304.
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