Trois premiers patients français traités par la première thérapie génique de la rétinite pigmentaire RPE65

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Publié le 14/05/2019

Trois jeunes patients français, atteints de dystrophie rétinienne héréditaire liée au gène RPE65, ont bénéficié de la thérapie génique Luxturna dans le cadre de l'ATU de cohorte, le 19 décembre 2018 dernier. Une première en dehors des États-Unis ! En marge du 124e Congrès International de la Société Française d'Ophtalmologie, les médecins du centre hospitalier national d'ophtalmologie (CHNO) des Quinze-Vingts, sont revenus sur ces premiers cas.

Les 3 patients, 2 sœurs de 7 et 10 ans, et un jeune homme de 20 ans. « Il est trop tôt pour attester de l'efficacité de l'intervention », précise le Dr Pierre Olivier Barale qui a réalisé les 3 opérations, « mais les 2 patientes les plus jeunes ont déjà pu retirer les lampes frontales qu'elles gardaient en permanence pour se déplacer et le dernier patient m'affirme avoir "4 à 8 fois plus de lumière dans ses yeux". » Une évaluation plus rigoureuse de la vision fonctionnelle de ces 3 patients sera réalisée un an après l'opération.

Maladie rare (environ 350 patients seraient atteints en France), la dystrophie rétinienne héréditaire liée au gène RPE65, ou rétinite pigmentaire RPE65 se traduit par une dégradation progressive de la vision fonctionnelle en situation de luminosité basse. À l'âge adulte, la maladie aboutit à une cécité totale.

ADN complémentaire et vecteur viral

Luxturna consiste en une injection intravitréenne d'un vecteur viral, le voretigene neparvovec, porteur d'un ADN complémentaire contenant une version fonctionnelle du gène RPE65. Une fois dans le noyau l'ADN complémentaire se transcrit de manière autonome pour produire la protéine RPE65.

Les patients traités dans le cadre de l'ATU de Luxturna doivent avoir moins de 20 ans (les chances d'amélioration se réduisent avec l'âge), avoir une mutation bi-allélique confirmée du gène RPE65 et posséder suffisamment de cellules rétiniennes viables. Les 3 premiers patients « ont été rapidement recrutés car ils étaient déjà repérés dans un réseau maladie rare », se réjouit le Dr Barale.

Le traitement se décompose en 2 injections de 300 ml de solution, une dans chaque œil, au niveau de l'artère centrale de la rétine. Les 2 injections sont espacées de 7 à 18 jours d'observation, et doivent avoir lieu dans les 4 heures qui suivent la préparation de la seringue. L'injection est réalisée après une vitrectomie par la pars plana, une technique chirurgicale à globe fermé à 3 voies. « On doit retirer le corps vitré pour injecter le produit sous la rétine dans les meilleures conditions possible, précise le Dr Barale, il faut alors prendre en compte l'atrophie de la rétine propre aux rétinopathies pigmentaires. » Dernière étape : le liquide intraoculaire est remplacé par une solution gazeuse qui a pour but de faire diffuser le produit au maximum sous le pôle postérieur de la macula.

Lors d'une étude de phase 3 publiée en juillet 2017 dans « The Lancet », 31 patients avaient été recrutés, traités par Luxturna, et évalués selon un protocole particulier. Ce dernier consistait à proposer au patient de s'orienter dans un parcours labyrinthique fléché au sol avec 7 niveaux de luminosité, allant de 1 lux (l'équivalent d'une nuit sans lune) à 400 lux (équivalent à un environnement de bureau). Au bout d'un an, tous les patients traités ont vu leur vision fonctionnelle s'améliorer, et environ 65 % d'entre eux réussissaient le test à la lumière de 1 lux. Cette amélioration se maintenait au bout de 2 ans.

Les yeux de la tête

Le prix définitif de Luxturna dépendra d'une négociation qui doit bientôt début entre Novartis et le Comité économique des produits de santé (CEPS). Pour l'instant, l'indemnité demandée par le laboratoire dans le cadre de l'ATU est de 690 000 euros. Un prix à comparer aux 850 000 dollars que coûte le traitement aux États-Unis (près de 760 000 euros).

Damien Coulomb

Source : lequotidiendumedecin.fr