L' HISTOIRE est celle d'une fillette de 3 ans qui, à l'occasion d'une maladie fébrile, présente des pertes de connaissance. Un ECG à douze dérivations montre une conduction lente au niveau des oreillettes et des ventricules, avec ondes P larges, espaces PR longs et complexes QRS élargis.
La surveillance ECG continue permet de saisir des épisodes de bradycardie sévère (25 par minute) ; pendant ces épisodes, le rythme cardiaque est maintenu par un échappement nodal atrio-ventriculaire.
Les troubles de la conduction persistent après guérison de la maladie fébrile ; le bilan ne retrouve ni maladie structurelle cardiaque (échographie) ni les maladies systémiques connues pour être associées à des troubles de la conduction chez l'enfant (infections virales, maladie auto-immune, maladie de Lyme, dysfonction thyroïdienne).
Initialement, le traitement par pacemaker double chambre est limité par le fait qu'on est incapable de stimuler l'oreillette ; toutefois, cette difficulté est, de façon inattendue, levée après une semaine de traitement empirique par des stéroïdes qui ont été administrés au début pour exclure une étiologie inflammatoire (méthylprednisolone I. V. puis prednisone orale).
Pendant les quatre années qui suivent le diagnostic, cette fillette nécessite en permanence une stimulation double chambre.
Sœur, mère, oncle, grand-parent
Mais revenons au début de l'histoire. L'examen de la famille réserve des surprises. D'abord, il y a sa sœur aînée, âgée de 6 ans, chez laquelle on découvre des problèmes cardiaques quasiment identiques et à laquelle on doit implanter un stimulateur double chambre ; elle aussi a des épisodes de non-capture qui se résolvent sous corticoïdes. Ensuite, il y a trois autres membres de sa famille - la mère, un oncle maternel et un grand parent maternel - qui ont également des troubles de la conduction cardiaque (PR et QRS longs), mais qui ne présentent pas d'épisodes de bradycardie et ne nécessitent pas de pacemaker.
Etant donné que le problème est familial, on cherche une anomalie génétique... et on la trouve : chez les cinq sujets atteints de cette famille, on découvre une mutation unique du canal sodium SCN5A, à savoir, au niveau de l'exon 12, la substitution d'une glycine par une cystéine dans le codon 514 (G514C). La mutation est alors recherchée chez 200 sujets non apparentés, mais elle est absente.
La découverte de cette mutation dans un trouble de la conduction conduisant à une bradycardie est une surprise : en effet, on avait déjà mis en cause d'autres mutations du gène SCN5A dans des phénomènes de tachyarythmies et de mort subite.
Les effets des corticoïdes
Etant donné l'amélioration clinique observée chez la fillette et sa sœur sous traitement corticoïde, les auteurs ont analysé in vitro l'effet de la dexaméthasone sur le canal sodium G514C. Résultat : elle corrige partiellement les effets de la mutation sur l'activation (mais elle est sans effet sur le canal sodium normal). Pour les auteurs, les corticoïdes pourraient induire la production d'une protéine qui interagirait avec le canal sodium et qui atténuerait les effets de la mutation. Reste à savoir, comme l'indiquent les auteurs dans un communiqué, si une telle protéine existe et si l'on pourrait l'administrer à la place du pacemaker chez les patients qui ont des troubles acquis de la conduction.
Quoi qu'il en soit, cette étude devrait permettre de mieux comprendre les troubles de la conduction que l'on voit, par exemple, chez les personnes âgées.
Hanno Tan et coll. « Nature » du 22 février 2001, pp. 1043-1047.
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