Myocardite fulminante

Un baiser empoisonné

Publié le 07/09/2017
myocardite

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Crédit photo : SPL/PHANIE

Le bilan biologique initial va mettre en évidence une élévation franche de la troponine à 1900 ng/l (n < 14). L’échocardiographie va montrer une fraction d’éjection ventriculaire gauche effondrée à 20 %. Au vu de l’âge et de l’absence de facteurs de risques, l’hypothèse d’une cause ischémique n’est pas retenue en première intention et une IRM cardiaque est rapidement réalisée. Elle va montrer :

– une hyperhémie myocardique sur les séquences de perfusion en lien avec une vasodilatation régionale qui est une composante de l’inflammation tissulaire (figure 1)

[[asset:image:7264 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":["Figure 1 : Hyperh\u00e9mie"]}]]

– un hypersignal myocardique sur les séquences pondérées T2 en faveur de la présence d’un œdème myocardique (figure 2)

[[asset:image:7263 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":["Figure 2 : Hypersignal en rapport avec un oedeme myocardique"]}]]

– un défaut de clairance du gadolinium myocardique sur les séquences réalisées au temps tardif évoquant la présence de nécrose et de fibrose myocardique. La topographie de ces anomalies (respectant le sous endocarde) n’est pas en faveur d’un processus ischémique (figure 3).

[[asset:image:7265 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":["Figure 3 : Persistance d\u2019hypersignal myocardique en rapport avec des zones de n\u00e9crose"]}]]

Un premier diagnostic de myocardite aiguë

Ces trois critères permettent de retenir le diagnostic de myocardite aiguë. En effet, ils correspondent aux critères de Lake Louise (1), la présence d’au moins deux sur les trois permettant en général de retenir le diagnostic.

Le diagnostic est confirmé par la réalisation d’une biopsie myocardique qui montrera un infiltrat inflammatoire associé à des plages de nécrose. Un bilan étiologique complet est réalisé, la seule anomalie retrouvée étant une sérologie EBV positive, avec PCR positive à 749 copies/ml.

L’état hémodynamique de la patiente va malheureusement se dégrader, avec nécessité d’introduire un support par catécholamines (dobutamine et noradrénaline). Ces drogues vont s’avérer insuffisantes pour maintenir un débit cardiaque satisfaisant. Il est donc décidé de placer la patiente sous circulation extracorporelle. Elle bénéficie donc de la pose d’une ECMO veino-artérielle, fémorofémorale. Cette assistance circulatoire va être maintenue 12 jours, durant lesquels la fraction d’éjection ventriculaire gauche va progressivement se normaliser. Un traitement par IEC et bêta bloquant va pouvoir être introduit, et la patiente va quitter l’hôpital asymptomatique, avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche à 50 %.

Une forme fulminante à EBV

Le diagnostic final retenu est donc celui de myocardite fulminante à virus d’Epstein-Barr (EBV). L’EBV se manifeste le plus souvent par une mononucléose infectieuse lors de la primo-infection, aussi appelée « maladie du baiser », car il se transmet par la salive, et son expression sous forme de myocardite est exceptionnelle (2). Les myocardites fulminantes sont des formes particulières de myocardites, avec aggravation très rapide de la fonction ventriculaire gauche et l’installation d’un état de choc cardiogénique réfractaire (3). Le traitement admis actuellement est la mise « au repos » du cœur par l’implantation d’une circulation extracorporelle (4). Il s’agit le plus souvent d’ECMO veino artérielle périphérique, comme dans notre exemple, où une canule veineuse implantée via la veine fémorale récupère le flux veineux, lequel est oxygéné via une membrane, puis réinjecté via un cathéter implanté dans l’artère fémorale (figure 4).Une pompe est incluse dans le système, assurant un débit sanguin suffisant pour pallier au cœur (5). La plupart du temps, l’épisode aigu passé, la fonction ventriculaire gauche récupère spontanément, ce qui permet de sevrer l’ECMO. Dans certains cas, il est nécessaire de proposer une greffe cardiaque en urgence.

[[asset:image:7267 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":["Figure 4 : Bon positionnement des canules d\u2018ECMO"]}]]

 

Service de cardiologie du CHU de Toulouse
1. Friedrich MG, Sechtem U, Schulz-Menger J, Holmvang G, Alakija P, Cooper LT, et al. Cardiovascular Magnetic Resonance in Myocarditis : A JACC White Paper. J Am Coll Cardiol. 28 avr 2009 ; 53 (17):1475‑87 
2. Roubille F, Gahide G, Moore-Morris T, Granier M, Davy J-M, Vernhet H, et al. Epstein Barr Virus (EBV) and Acute Myopericarditis in an Immunocompetent Patient : First Demonstrated Case and Discussion. Intern Med. 2008 ; 47 (7):627‑9
3. Caforio ALP, Pankuweit S, Arbustini E, Basso C, Gimeno-Blanes J, Felix SB, et al. Current state of knowledge on aetiology, diagnosis, management, and therapy of myocarditis : a position statement of the European Society of Cardiology Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases. Eur Heart J. 1 sept 2013 ; 34 (33):2636‑48
4. Sanders DB, Sowell SR, Willis B, Lane J, Pierce C, Pophal S, et al. The Role of Extracorporeal Life Support in Acute Myocarditis : A Bridge to Recovery ? J Extra Corpor Technol. déc 2012 ; 44 (4):205‑9
5. Shekar K, Mullany DV, Thomson B, Ziegenfuss M, Platts DG, Fraser JF. Extracorporeal life support devices and strategies for management of acute cardiorespiratory failure in adult patients : a comprehensive review. Crit Care. 2014 ;18(3):219  

Dr Yoan Lavie-Badie

Source : lequotidiendumedecin.fr