L'alimentation, notamment les fibres, est le premier mode d'intervention pour agir sur le microbiote. Prébiotiques (fibres bénéfiques pour une ou plusieurs bactéries), probiotiques de première génération ou de nouvelle génération, transplantation fécale, des traitements innovants, seuls ou en association, ouvrent des perspectives très larges… et prennent de court les autorités de régulation.
Pour les probiotiques, ces micro-organismes vivants conférant un bénéfice santé, la question réglementaire est particulièrement critique. « Il existe un vide juridique en parapharmacie pour les compléments alimentaires, explique le Pr Joël Doré. On voit fleurir des produits ayant des fonctions supposées sur le microbiote, à base de bactéries vivantes ou lyophilisées ».
La réglementation européenne est hétérogène dans les 3 domaines d'utilisation des probiotiques, à savoir nutritionnelle, médicale ou complément alimentaire. « La partie nutrition est gérée par l'Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA), explique le Pr Doré. Les probiotiques commercialisés sont essentiellement des bactéries lactiques. Hormis l'acceptation générique que le yaourt facilite la digestion du lactose, aucune allégation santé n'a été agréée depuis sa mise en place en 2002, ce qui aurait attesté de la mise en place d'un processus de validation opérationnel. Pour les probiotiques médicaments, c'est l'Agence européenne du médicament (EMA). Ils sont très peu nombreux, en raison de l'absence de lignes directrices standardisées réglementaires. Et pour la situation intermédiaire des compléments alimentaires, il y a un vide juridique, c'est la jungle et c'est dommage ».
Le seul moyen d'y voir clair, c'est d'avoir des essais cliniques, estime Joël Doré. « Suffisamment robustes car l'effet placebo joue pour 20 % », souligne le Pr Patrice Debré, immunologiste et membre de l'Académie de médecine. Il existe des initiatives positives, notamment en Italie la société VSL#3 Pocyte teste des probiotiques dans la rectocolite hémorragique. « Ça devient suffisamment solide pour les prescrire », estime même Joël Doré.
Les bactéries médicaments
Les probiotiques de nouvelle génération, qui vont émerger dans les 4 à 5 ans à venir, tomberont très probablement sous le coup de la réglementation du médicament de l'EMA. « C'est logique, explique le Pr Joël Doré. Ce ne sont pas des bactéries lactiques mais il peut s'agir de bactéries commensales qui disparaissent lors d'une dysbiose, ou de bactéries bioactives, par exemple sur la barrière intestinale. » Ces biomédicaments vivants peuvent être administrés en souches pures ou en cocktails.
De plus en plus d'essais cliniques se mettent en place. De nombreuses sociétés de biotechnologie (A-Mansia, Next BiotiX, 4DPharma, etc.) pour des bactéries d'intérêt telles que Akkermansia muciniphila dans les syndromes métaboliques, Eubacterium hallii dans le diabète ou encore Faecalibacterium prausnitzii dans les troubles fonctionnels et les maladies inflammatoires de l'intestin (MICI).
Là aussi, le contexte réglementaire n'est pas encore structuré pour valider les allégations médicales : standards d'évaluation, difficultés de dosage, problème de sécurité (antibiorésistance, facteurs de virulence, réponses immunitaires éventuelles induites), rationnel pour les mélanges de souches (sélection, symbiose).
Pour le transfert de microbiote, rien n'est vraiment réglé non plus, comme l'explique Joël Doré. Les États membres en Europe restent libres de décider su statut qui leur semble le plus approprié. Comme la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont choisi le statut de médicament mais l'Italie et l'Espagne attribuent le statut de produit de transplantation comme un organe. Pourtant la logique serait d'anticiper une standardisation et une industrialisation des pratiques afin de garantir un processus sûr et reproductible. La greffe fécale est validée dans les infections récidivantes à Clostridium difficile, et testée dans d'autres indications comme les MICI ou le diabète. Une société française Maat Pharma développe la greffe fécale autologue dans des affections très sévères, comme en oncohématologie après chimiothérapie.
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