De notre correspondante
L ES encéphalopathies spongiformes transmissibles regroupent des maladies neurodégénératives toujours fatales qui comprennent la scrapie des moutons, l'encéphalopathie spongiforme bovine ou maladie de la vache folle et, chez l'homme, la maladie de Creutzfeldt-Jakob ainsi que le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ).
Les effets pathologiques de ces maladies surviennent principalement dans le système nerveux central (vacuolisation, gliose, accumulation d'une isoforme mal pliée, protéase-résistante de la protéine prion, et mort des neurones), mais on sait peu de choses encore sur les mécanismes moléculaires sous-jacents, en particulier dans les tissus extracérébraux. Dans cette ignorance, on ne dispose d'aucun traitement ni de moyen efficace pour établir un diagnostic précoce. La seule méthode diagnostique à l'heure actuelle nécessite d'examiner des biopsies du cerveau ou, dans le cas du nvMCJ, des amygdales.
Miele, Clinton (institut Roslin en Ecosse) et coll., s'appuyant sur l'hypothèse que les prions infectieux se répliquent dans les organes lymphoïdes (rate, amygdales, appendice et ganglions lymphatiques) bien avant d'atteindre le système nerveux central, ont concentré leur recherche sur ces organes. Ils ont comparé l'expression de 10 000 gènes dans la rate de souris infectées par la scrapie et dans la rate de souris témoins non infectées. La comparaison s'est révélée identique pour tous les gènes sauf un. Les taux d'ARN d'une protéine, l'EDRF (Erythroid Differenciation-Related Factor), diminuent progressivement dans la rate au fur et à mesure qu'évolue la scrapie induite expérimentalement chez la souris.
La lignée érythrocytaire et les sites d'hématopoïèse
La protéine EDRF, dont la fonction est inconnue, est, d'après les analyses des auteurs, exprimée uniquement dans la lignée érythrocytaire et dans les sites d'hématopoïèse : moelle osseuse (MO) et sang chez l'homme ; MO, sang et rate chez la souris.
Les chercheurs ont alors montré que l'expression de l'EDRF diminue aussi dans la MO et dans le sang des souris infectées par la scrapie. Puis, ils ont étendu cette observation aux encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) naturelles, précisément l'ESB chez les vaches et la scrapie chez le mouton. L'analyse s'est limitée aux échantillons disponibles : MO et rate chez les bovins, sang chez les moutons. Les résultats sont similaires. En comparaison de témoins en bonne santé, l'expression de l'EDRF est significativement diminuée dans la MO des vaches ayant des signes débutants de maladie, et dans le sang des moutons affectés de la scrapie.
En conclusion, la diminution considérable de l'expression de l'EDRF dans les cellules de la lignée érythrocytaire se révèle être un trait commun aux EST.
« Nos résultats montrent clairement que l'encéphalopathie spongiforme transmissible affecte l'expression du gène EDRF dans les cellules érythrocytaires, mais le mécanisme par lequel survient cet effet reste inconnu », notent les chercheurs. Ces résultats, ajoutent-ils, « fournissent un tout nouveau champ de recherche pour découvrir des interventions thérapeutiques et un diagnostic préclinique non basé sur le prion infectieux ».
Prévenir la dissémination de la maladie
« Un test simple, sensible et fiable pour l'infection par le prion est nécessaire pour prévenir la dissémination de la maladie », souligne dans un article associé le Dr Adriano Aguzzi (université de Zurich, Suisse). Tandis qu'aujourd'hui, l'ESB a moins de chances d'être transmise à l'homme, observe-t-il, un problème potentiellement plus grand pourrait se présenter, celui d'un réservoir d'individus asymptomatiques dans la population humaine, avec la possibilité de transmission par dons du sang ou instruments chirurgicaux mal stérilisés. « D'après les résultats de l'étude, l'EDRF pourrait être un bon marqueur diagnostique, qu'il participe ou non au développement de la maladie. Des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer à quel moment de la maladie survient la régulation négative de l'EDRF chez les vaches et - on l'espère - chez l'homme », note-t-il. Il est possible que cette régulation négative soit précoce, ajoute-t-il. Il sera aussi nécessaire de déterminer l'étendue de la variation des taux de l'EDRF chez les individus non infectés et de savoir si cette régulation négative de l'EDRF est spécifique des maladies du prion ou si elle peut survenir dans d'autres maladies.
« Nature Medicine », mars 2001, pp. 361 et 289.
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