DEPUIS LE DEBUT de l'année 2002, l'incidence des épidémies de gastro-entérite liées à une infection par un norovirus s'est nettement majorée, notamment en Europe. Afin de préciser l'épidémiologie de ces maladies, des virologues européens ont mis en place, en 2001, une banque de données épidémiologiques et génomique regroupant les informations disponibles depuis 1995. D'un point de vue épidémiologique, les virologues ont rapporté une augmentation des cas entre l'année 2002 et la moyenne des années précédentes : + 179 % au Danemark, + 77 % en Angleterre, + 225 % en Finlande, + 94 % en Allemagne, + 176 % en Hongrie, + 73 % en Slovénie, + 140 % en Suède, + 128 % aux Pays-Bas. Seule l'Espagne semblait épargnée par ce phénomène, puisque l'incidence des infections à norovirus avait, pour sa part, baissé de 7 % en 2002. Les investigateurs soulignent qu'en France une telle analyse n'a pas été possible car le réseau national de surveillance des norovirus ne date que de 1999.
Le travail du groupe European Food-borne Viruses Network a aussi permis une identification génétique précise des virus en cause. Depuis 1996, c'est le génotype II4 qui est le plus souvent retrouvé en Europe. A partir du mois de janvier 2002, un nouveau variant du virus, différant par des mutations précises (Aacttg remplacé par Aatctg débutant en position 4 820), a fait son apparition dans les pays étudiés. Ce variant était déjà connu des virologues, puisqu'il avait été à l'origine en 1995-1996 d'épidémies de gastro-entérite en Amérique du Sud et du Nord, en Asie et en Australie.
Y a-t-il un lien entre mutation et virulence majorée ?
Pour les auteurs, « il est difficile d'établir de façon formelle un lien entre les mutations du nouveau virus et la virulence qui semble majorée du norovirus, puisque ces notions restent encore incomplètement comprises ». Néanmoins, dans un éditorial, le Dr Carl Kirkwood (Melbourne, Australie) avance que les mutations pourraient avoir affecté des protéines de la capside et, de ce fait, majoré les capacités de pénétrance cellulaire du virus.
Mais, en dépit de ces données épidémiologiques et génétiques prouvées, les auteurs s'interrogent sur la possibilité d'un biais en rapport avec une plus grande implication des virologues européens dans la collecte des données à la suite de la mise en place du réseau de surveillance. Ils n'excluent donc pas que le nombre de cas soit demeuré sensiblement constant, mais que l'augmentation relative soit liée à un artefact épidémiologique et à la généralisation des tests virologiques par PCR.
Pas de test de référence de détection des norovirus.
Dans son éditorial, le Dr Kirkwood regrette qu' « il n'existe pas à l'heure actuelle de tests de référence de la détection des norovirus. Seule l'adoption généralisée d'une méthode fiable et répétitive de mise en évidence du virus pourrait permettre de travailler sur des données non biaisées ».
« The Lancet », vol. 363, pp. 671-672 et 682-688, 28 février 2004.
La famille des Calciviridae
Les norovirus, virus à ARN non enveloppés, appartiennent à la famille des Calciviridae. Il s'agit de virus structurés, ronds, qui ne bénéficient de tests de dépistage par PCR que depuis la fin des années 1990.
Les épidémies de gastro-entérite liées aux norovirus surviennent habituellement de façon saisonnière (à l'automne et au printemps) et elles affectent plus particulièrement des personnes vivant en communauté (hôpitaux, maisons de retraites, écoles, bateaux de croisière). L'agent infectieux survit de façon prolongée à l'extérieur de l'organisme - jusqu'à plusieurs mois - et l'excrétion virale peut se prolonger y compris après la résolution des symptômes.
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