O N sait que le corécepteur CCR5 aux chimiokines est l'un des trois corécepteurs qu'utilise le VIH à tropisme macrophagique pour pénétrer dans ses cellules cibles (lymphocytes CD4+) et les infecter. On sait aussi qu'une délétion de 32 paires de bases de ce corécepteur, dite mutation delta 32, présente notamment en Europe du Nord (environ 1 % des Caucasiens), confère une certaines protection contre le VIH en cas d'homozygotie, et ralentit l'infection en cas d'hétérozygotie.
Tout cela fait qu'on a logiquement envisagé, dans l'infection à VIH, un traitement inhibiteur de CCR5, soit en bloquant son accès, soit en bloquant son expression.
Analogues de chimiokines et rétinol
Pour ce qui du blocage de son accès, on se rappelle que les chimiokines RANTES, MIP-1 alpha et MIP-1 bêta - que l'Américain Robert Gallo avait d'ailleurs appelées ses « tueurs biologiques » -, en se liant à CCR5, empêchent le VIH se s'y fixer. D'ailleurs, en 1998, dans le « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine, Daniel Zagury (Paris), Alessandro Gringeri (Milan) et Robert Gallo (université du Maryland) avaient montré qu'un taux élevé de chimiokines conférait une certaine résistance au VIH. Plusieurs équipes ont alors cherché à savoir si des chimiokines synthétiques pouvaient empêcher le VIH d'accéder à son corécepteur. Des molécules recombinantes de MIP-1 alpha et de RANTES ont été mises au point et testées, parfois avec des résultats encourageants. Mais on restait prudent, d'autant que l'on redoutait que l'inhibition des souches de VIH ayant un tropisme pour le CCR5 ne fassent émerger des population virales minoritaires.
Pour ce qui est du blocage de l'expression de CCR5, il faut rappeler les travaux de l'équipe de Shalom Hirschman (Advanced Viral Research Corp., Hallande, Floride) sur le réticulose (« le Quotidien » du 3 mars 1999). Mi-protéine, mi-gène, puisque constitué d'acides nucléiques et d'acides aminés, le réticulose s'est montré capable, in vitro, de bloquer l'expression de CCR5 sur les CD4 ; des études cliniques préliminaires ont suggéré des effets bénéfiques chez les sujets infectés par le VIH et des essais complémentaires (phase III) ont été lancés en Argentine.
Si ces essais de traitement anti-CCR5 étaient couronnés de succès vis-à-vis du VIH, il risquerait d'y avoir un revers de médaille vis-à-vis du virus de l'hépatite C (VHC), comme le suggère un travail allemand présenté à la 8e Conférence internationale sur les rétrovirus et les infections opportunistes (Chicago). Selon l'équipe du Dr Rainer Woitas (université de Bonn), en effet, la mutation delta 32 de CCR5 est présente trois fois plus souvent que prévu chez les sujets infectés par le VHC.
Prudence en cas de co-infection VIH-VHC
D'où une crainte : un traitement bloquant CCR5 risquerait de favoriser l'infection par le VHC. La mise au point d'un « traitement visant à bloquer le CCR5 doit prendre en compte cette nouvelle information car il pourrait y avoir des conséquences cliniques dans le cas de personnes disposant de cette mutation et qui sont infectées en même temps par le VIH et le virus de l'hépatite C », soulignent les chercheurs.
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