De la Réforme de 1517 à la révolution russe de 1917, l’année 2017 a été riche en célébrations de centenaires. Mais elle marque aussi les 500 ans de deux événements importants pour l’histoire de l’anatomie, comme l’a rappelé Jean-Marie le Minor, professeur d’anatomie à la Faculté de Médecine de Strasbourg et historien reconnu de cette discipline, lors de plusieurs manifestations historiques tenues ces derniers mois.
C’est ainsi que si les premières dissections humaines officielles ont eu lieu à Bologne en 1315 puis à Montpellier en 1340, Strasbourg peut se flatter d’en avoir été le cadre dès 1517, bien avant toutes les autres villes d’Europe du nord, y compris Paris et Bruxelles. De plus, s’enthousiasme le Pr le Minor, cette dissection a fait l’objet d’illustrations particulièrement précises et innovantes, qui en renforcent encore l’intérêt scientifique. Pour la première fois, une illustration gravée, représentant non pas quelques organes séparés, mais le cadavre entier d’un sujet masculin après une grande ouverture thoraco-abdominale, témoigne de l’intervention. On sait que ce cadavre était celui d’un condamné à mort par pendaison, « donné » par l’administration de la ville, qui fournira d’ailleurs ensuite chaque année un autre cadavre de supplicié dans le même but. La dissection fut réalisée en présence de nombreux spectateurs, dont des chirurgiens et des barbiers de la ville, par un médecin diplômé de Bologne. Même s’il subsiste un certain nombre d’imprécisions ou d’invraisemblances anatomiques, à l’image du foie polylobé, la gravure, réalisée par un élève de Hans Holbein l’ancien, témoigne des progrès importants réalisés par l’anatomie descriptive au début du XVIe siècle. De plus, le cadavre est entouré de plusieurs représentations réalistes de l’anatomie du cerveau et du cervelet, ce qui constitue une « première ». Si cette gravure était destinée aux médecins et aux chirurgiens, elle pouvait aussi être vendue sous forme de feuille volante à tout amateur d’images fortes ou originales, et connut, selon les chroniques, un grand succès commercial.
Un foyer de l'humanisme
Autre événement marquant de 1517 à Strasbourg, la parution du premier véritable « traité de chirurgie pratique » rédigé par un chirurgien de l’hôpital des Ardents (l’ergotisme), Hans von Gersdorff. Là aussi, explique Jean-Marie Le Minor, nous sommes impressionnés par la qualité de l’ouvrage et de ses 24 gravures, dont plusieurs sont restées célèbres et furent abondamment diffusées, reproduites et réimprimées à travers l’Europe. Les plus connues concernent la trépanation du crâne et la cautérisation, l’ouvrage reprenant aussi la dissection strasbourgeoise effectuée la même année. Gersdorff pratiquait fréquemment des amputations pour des lésions d’ergotisme ou de lèpre, et les planches de son ouvrage nous renseignent sur les techniques nouvelles qu’il avait personnellement mises au point, notamment pour recouvrir la coupe et former le moignon d’amputation. Tous ces travaux sont d’autant plus remarquables que Strasbourg, à l’époque, ne possède pas encore d’université, mais constitue déjà l’un des grands foyers de l’humanisme… et bien sûr de l’imprimerie.
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