L ORSQU'ON fait une échographie de routine à la 30e semaine de gestation à une femme de 33 ans, on découvre une masse qui sort de la bouche du ftus. L'amniocentèse montre un caryotype féminin normal et une valeur normale de l'alpha fto-protéine.
La naissance a lieu par césarienne à la 37e semaine. La tumeur, qui mesure 13 x 8 x 5 cm, obstrue les voies aériennes et provoque une détresse respiratoire ; on pratique immédiatement une intubation endotrachéale et le bébé est conduit en salle d'opération.
La tumeur provient du vomer et fait protrusion à travers le palais. Elle contient des portions kystiques et solides, avec des os, des dents et des cheveux, ce qui est en faveur d'un tératome. De fait, l'examen histologique confirme qu'il s'agit d'un tératome mature (incomplètement réséqué). Mais, première surprise : l'histologie montre la présence de tissu épididymaire. Deuxième surprise : la PCR (Polymerase Chain Reaction) montre, dans toutes les sections tumorales, la présence d'ADN du chromosome Y. Pourtant, l'échographie du bébé montre un utérus normal et des ovaires normaux ; dans le sang, les taux de testostérone et d'estradiol sont dans les limites de la normale ; enfin, l'analyse des lymphocytes périphériques de la fillette montre un caryotype féminin normal (46XX) et la recherche d'ADN du chromosome Y par PCR est négative dans le sang périphérique.
Sans entrer dans les détails (il existe une lésion intracrânienne jouxtant le nerf optique), la fillette doit être réopérée à deux reprises. A un an, elle va bien.
Comment expliquer ce tératome masculin dans la bouche d'un bébé féminin ? « A notre connaissance, c'est la première description d'un tératome extragonadique contenant du tissu épididymaire masculin chez une fillette nouveau-née, estiment les auteurs. L'ADN de l'Y pouvait être détecté dans le tératome, mais pas dans le sang de la petite fille. Ces constatations sont uniques sous deux aspects. Premièrement, du tissu prostatique a été le seul tissu mâle vu dans des tératomes bénins d'adultes ou d'adolescentes (...) Deuxièmement, le caryotype de tératomes matures extragonadiques est en général apparié à celui de l'hôte, à l'exception des translocations somatiques. »
Trois hypothèses
Les auteurs émettent trois hypothèses : la parthénogenèse, une gémellation incomplète ou le produit de cellules souches somatiques totipotentes.
Les analyses cytogénétiques, expliquent-ils, indiquent que les tératomes ovariens proviennent d'un défaut de méiose (ce qui concorde avec la théorie de la parthénogenèse), alors que les tératomes testiculaires et extragonadiques ont une origine préméiotique.
En outre, quelques auteurs prétendent que la distinction est arbitraire entre le tératome et le ftus-dans-le-ftus (fetus in fetu). Le fetus in fetu et les tératomes extragonadiques pourraient avoir la même pathogenèse, provenant soit d'une gémellation incomplète soit d'une cellule souche préméiotique totipotente.
« Dans notre cas, nous n'avons pas trouvé le même chromosome sexuel chez l'hôte et dans le tératome ; donc, nos observations ne peuvent pas être expliquées par une cellule souche commune ; la perte du chromosome Y est exclue du fait du phénotype normal de la fillette (46XX). Nos résultats ne concordent pas non plus avec un jumeau monozygote inclus. Nous en déduisons donc que ce tératome extragonadique mature était, au moins en partie, dérivé d'un jumeau dizygote de sexe opposé », concluent les auteurs.
Karin Beutel et coll. (Kiel, Allemagne). « Lancet » du 27 janvier 2001, pp. 283-284.
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