Municipales 2001
A U marché de Brive-la-Gaillarde, « l'on ne s'y crêpe plus le chignon pour quelques bottes d'oignons », comme le chantait Brassens. En revanche, on y cause rugby presque toute l'année, Foire du livre en novembre, et politique depuis de longues semaines déjà.
Entre le RPR Bernard Murat, le maire en place, et le Dr Philippe Nauche (député et tête de liste PS), urgentiste à l'hôpital de Brive, le match s'annonce très serré.
Il y a six mois, le maire sortant était donné largement en tête. D'après la rumeur, un sondage non diffusé datant d'il y a trois semaines indiquait que les deux parlementaires étaient au coude à coude. Chacun s'est composé une liste d'union qui tient la route. En cas de second tour, les électeurs d'Etienne Patier feront peut-être basculer Brive d'un côté ou d'un autre. Bien qu'elle n'ait pas obtenu l'investiture du RPF, la liste de ce petit-fils d'Edmond Michelet (le grand résistant qui fut quatre fois ministre du général de Gaulle et de la Ve République est la gloire de Brive), devenu couvreur après avoir fait Sciences-Po, était crédité de 7 % des voix il y a six mois. Patier se réclame de Charbonnel, qui a régné sur Brive pendant trente ans jusqu'en 1995, et ne dissimule pas sa profonde antipathie pour celui qui lui a succédé.
Entre le sénateur-maire et le député socialiste, les vrais rivaux, l'affrontement est courtois. Chacun utilise ses atouts. Bernard Murat met en avant son profil de chef d'entreprise (il a été responsable pendant vingt ans d'une société de matériel médico-chirurgical, Autosuture Europe) et dresse un bilan flatteur de son mandat de maire. Celui qui fut, voici quelques années, responsable des questions de santé au RPR joue aussi de la carte chiraquienne, même si Brive est traditionnellement radical-socialiste et n'a jamais été sous l'emprise du président de la République, dont le fief est la Haute-Corrèze. Le Dr Nauche, lui, montre qu'il a su mettre entre parenthèses un métier difficile et exaltant (chef de service du SMUR et des urgences au centre hospitalier de Brive) pour endosser avec naturel l'habit du député depuis 1997.
Les réunions Tupperware du Dr Nauche
Afin de convaincre les Brivistes qu'il serait un excellent maire, c'est sans le moindre signe de fatigue qu'il enchaîne réunions publiques et réunions Tupperware. Le principe de ces réunions est facile à deviner : le candidat se rend à l'invitation d'un habitant qui réunit dans son salon les voisins et les relations de son choix. Une ambiance intimiste pour discuter à bâtons rompus avec celui qui sera peut-être leur futur maire. Généralement, ce sont des militants ou des sympathisants qui font la démarche, « les autres craignent d'afficher leur opinion dans le quartier », constate le député.
Ce soir-là, le Dr Nauche a rendez-vous à 18 h 30 dans le modeste appartement d'une rue très tranquille. Autour des assiettes débordant de « tourtous », des galettes de blé noir fourrées aux rillettes qu'on déguste en sirotant un verre de vin paillé, ça ne se dit pas, mais ça se sait : les six invités ont pour point commun de voter communiste. Trois colistiers du médecin ont également été conviés. Le médecin parle pendant une dizaine de minutes pour résumer son programme. « Sinon, il faudrait une heure et demie ou deux heures pour en faire le tour, je suis très bavard », lance-t-il d'un air complice.
L'obsession de la sécurité
D'emblée, il aborde la politique de quartier et la sécurité, en expliquant qu'il compte mettre en place une police de proximité, « mais pas comme le maire actuel, qui veut jouer les shérifs », précise-t-il. Le sujet fait mouche, il en a l'expérience : la délinquance, les boîtes aux lettres incendiées, les vols de sacs à main, les cages d'escalier où l'on n'ose plus s'aventurer, voilà les histoires qu'on raconte ici et qu'on ne voudrait plus entendre.
Les sondages commandés par la mairie l'ont également montré : la sécurité est la préoccupation n° 1 des Brivistes (rien à voir avec Tulle, le chef-lieu de la Corrèze, où c'est l'avenir de l'hôpital qui inquiète les habitants). C'est un fait : à Brive, la délinquance a augmenté de 14,5 % l'an dernier (4 701 faits enregistrés) par rapport à 1999. « Et encore, ces chiffres ne prennent en compte que les éléments déclarés à la main courante. Cela n'inclut pas les injures, les petits larcins, toute la petite violence. »
La police nationale étant en sous-effectifs chroniques à Brive, le maire actuel compte créer une police municipale de 50 agents placée directement sous sa responsabilité.
Philippe Nauche propose aussi la création de 50 postes, mais dont la moitié serait constituée de travailleurs sociaux, car, pour lui, la prévention prime sur la répression. Et pas question que le maire dispose comme bon lui semble de sa police pour l'envoyer dès que ça chauffe quelque part. « La délinquance à Brive n'a rien à voir avec celles de certaines grandes villes, souligne-t-il. Ce qui fait des ravages, c'est surtout le sentiment d'insécurité. »
Le désendettement
Même si elle n'a rien d'affolant, la délinquance devrait grimper encore avec les échanges que permettra la construction du futur carrefour autoroutier de l'A20 et de l'A89 prévu en 2005. Ces infrastructures représentent une chance pour le développement économique de la ville, auquel contribuera aussi l'arrivée du train pendulaire d'ici à cinq ans (permettant d'effectuer Paris-Brive en 3 h 30, voire 3 h 15, au lieu de 4 heures actuellement). La prochaine construction d'un nouvel aéroport va dans le même sens. Les progrès sont déjà là. En cinq ans, le nombre des salariés du secteur privé est passé de 26 631 à 29 100 dans le bassin d'emploi.
Mais après les années Charbonnel où la ville vivait au-dessus de ses moyens, la grande réussite de Bernard Murat, c'est surtout le désendettement. « Nous avons désendetté la ville de 150 millions de francs et nous sommes encore dans une période de fragilité, explique-t-il. Les socialistes veulent vider les caisses ; moi, je ne dépense que ce que je peux dépenser. »
De son côté, la gauche reproche au maire sortant une fiscalité trop lourde, des frais de fonctionnement trop élevés, un investissement trop faible. « On aurait pu recommencer à investir il y a deux ans, regrette le Dr Nauche. Les projets ne sont pas menés à terme. »
En réalité, des projets, les deux candidats n'en manquent pas. Il en faut pour une sous-préfecture qui souffre de sa position excentrée dans le département, à qui Limoges n'a jamais cessé de faire de l'ombre, tandis que Tulle, malgré ses 17 000 habitants, joue l'éternelle rivale. Il en faut pour séduire les cadres, dont les conjoints refusent trop souvent de venir « s'enterrer » dans un département dont plus de 55 % de l'espace est occupé par des forêts. Il en faut aussi pour séduire le flot des touristes qui envahissent le Quercy et le Périgord, à quelques kilomètres de là, sans pointer le nez en Corrèze.
Une ville moyenne
Population : 52 677 habitants (82 643 dans l'agglomération).
Principales activités : agroalimentaire (Blédina), électronique, mécanique.
Budget de la ville : 560 millions de francs.
Taux de chômage : 6,2 %.
Maire sortant : Bernard Murat (RPR).
Listes en présence : outre la liste RPR-UDF conduite par Bernard Murat et celle du Dr Philippe Nauche (gauche plurielle), Etienne Patier (qui n'a pu obtenir l'investiture du RPF), le MNR, le FN et de jeunes brivistes appartenant au mouvement citoyen pluriel devraient présenter des listes.
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