I L est à Milan. Il a trente ans à peine. Il reçoit une lettre de son père, cheminot à la retraite. Il a écrit la même lettre à tous ses fils, dispersés. Il annonce qu'il quitte leur mère pour une autre femme. Sur une impulsion qu'il ne s'explique pas complètement, Silvestro s'engage dans le long voyage qui va le conduire jusqu'à cette mère, si jeune encore, cette mère qu'il a quittée, lui, alors qu'il avait à peine 15 ans. Ils vont se retrouver, se parler. Il va la découvrir en retrouvant le petit garçon, l'adolescent qu'il a été. Et la maison, et les humeurs, et les odeurs, et les couleurs, et les lumières. Et la force et la solitude et l'intelligence magnifique d'une femme.
Ce roman d'Elio Vittorini a été écrit en 1938 et interdit en 1941, sur manuvre de « L'Osservatore Romano »... Qu'est-ce qui dérangeait le Vatican ? Cette femme sans doute, cette femme magnifique dont parle Vittorini. Cette femme intelligente, forte, sensuelle, aimante, pauvre, si pauvre. La puissance de la mise en scène de Benoit est de donner le rôle de cette mère à une jeune femme belle, ardente, vive, plus juvénile que le fils de 30 ans, incarné par un comédien dans la maturité de son art. Jean-Marie Frin, que l'on connaît bien, à l'Aquarium, acteur sensible, profond, dense, et une jeune inconnue - aperçue dans « Biographie un jeu », il y a un an et demi -, Ninon Brétécher.
Tout ici est donné dans la perfection. Une scénographie aussi belle que juste, forte elle aussi (Benoit et Dominique Fortin, qui signe également la lumière), un travail sur le son, la musique (Agnès Luquet) excellent, tout concourt, avec la complicité de Karen Rencurel, à un accomplissement.
Frin, vieil enfant blessé, qui découvre qui est sa mère et ce qu'est leur vie, à tous les deux, Brétécher, flamboyante et fine, sont bouleversants. Pas de pathos. C'est sensible, vif, enjoué, gai, drôle, c'est terrible et déchirant, c'est la vie même et l'écriture même de Vittorini. Remarquable.
Théâtre de l'Aquarium, du mardi au vendredi à 20 h 30, dimanche en matinée à 16 h. Durée : 1 h 30 sans entracte. (01.43.74.99.61). Le texte de Vittorini, dans la traduction de Michel Arnaud, vient d'être réédité dans la collection l'Imaginaire, chez Gallimard.
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