D ANS « Nature », des biologistes américains signalent une bizarrerie dans l'expression d'un gène de développement de la drosophile : alors que dans le schéma habituel une protéine est entièrement codée à partir de l'information contenue dans un brin d'ADN, lequel est seul transcrit en ARN, il semble que, pour le gène mod(mdg4), les deux brins d'ADN sont transcrits en un unique ARN messager, résultant de la mise bout à bout de l'information portée par chacun des deux brins.
Le gène mod(mdg4) est un gène de développement, auquel on attribue un rôle dans le maintien de la structure de la chromatine. La question, toutefois, n'est pas fonctionnelle, mais structurelle. Dans le transcrit ARN, qui porte six exons, il apparaît, en effet, que les exons I à IV proviennent d'un brin d'ADN, et que les exons V et VI sont copiés à partir du brin complémentaire.
Des hypothèses
Plusieurs mécanismes peuvent a priori être imaginés pour rendre compte de cette configuration. L'ARN polymérase II, qui transcrit l'ARN à partir d'une matrice simple d'ADN simple brin, pourrait « sauter » d'un brin sur le brin complémentaire après transcription de l'exon IV. Le problème est qu'un tel mécanisme n'a jamais été observé. Autre possibilité : des réarrangements internes dans l'ADN, survenant au niveau du locus mod(mdg4) lors de sa transcription, et qui aboutiraient à « mettre en ligne », localement, les deux brins initialement appariés. L'hypothèse est toutefois exclue par le séquençage du locus auquel se sont livrés les Américains.
Reste une dernière possibilité : des remaniements post-transcriptionnels de l'ARN. A partir de chacun des brins d'ADN serait transcrit un précurseur ARN. Tout comme les matrices à partir desquelles ils sont transcrits, ces deux ARN sont complémentaires ; ils peuvent donc s'apparier en molécules double brins. A partir de ces molécules, on peut imaginer des remaniements trans (site donneur et accepteurs situés sur deux molécules différentes) ou cis, les uns ou les autres étant susceptibles d'aboutir au simple brin voulu.
Chez l'homme, des gènes beaucoup plus complexes que prévu
Les auteurs ne tranchent pas entre les deux hypothèses. Ils se bornent à indiquer qu'un mode d'expression équivalent mériterait d'être recherché dans d'autres gènes et d'autres organismes, pour tenter de comprendre ce qui a pu déterminer à un mécanisme aussi original. Les séquençages en cours vont fournir de la matière à ces recherches. Peut-être découvrira-t-on d'ailleurs alors que ce mode d'expression « double brin » n'est pas si original que cela. Compte tenu d'un premier résultat du séquençage humain qui pourrait se résumer ainsi, des gènes beaucoup moins abondants que prévu, mais beaucoup plus complexes que prévu, s'il se révèle que les gènes s'exprimant par les deux brins sont nombreux, en matière de complexité, on va être servi.
M. Labrador et coll. « Nature », vol. 409, 22 février 2001.
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