Une combinaison de trois facteurs

Publié le 21/03/2001
Article réservé aux abonnés

U N papyrus vieux de 3 000 ans en parlait déjà. C'est dire si l'éclampsie est une pathologie ancienne. Et sa compréhension n'en est toujours pas complètement acquise. C'est à cette tâche que se sont attelés deux auteurs, l'un australien (D. W. Cooper) et l'autre américain (J. M. Roberts) dans un numéro récent du « Lancet ».

S'il ne répondent de façon définitive à la question : « Pourquoi certaines femmes font-elles une prééclampsie ou une éclampsie ? », ils proposent une revue des hypothèses retenues actuellement.
La prééclampsie semble la conséquence d'une triple combinaison de facteurs prédisposants, d'un stress oxydatif et de facteurs génétiques.
La prééclampsie requiert, expliquent-ils, bien plus qu'une diminution de la perfusion placentaire. Un trouble de la croissance placentaire et la présence, chez un tiers environ des prématurés, d'anomalies des artères spiralées, identiques à celles rencontrées dans la prééclampsie suggèrent un déroulement de l'affection en deux temps. De multiples troubles maternels peuvent, en outre, être incriminés : hypertension, diabète, insulinorésistance, hypertestéronémie, ethnie noire et une augmentation de l'homocystéinémie. S'y ajoutent les facteurs de risque de maladie endothéliale, particulièrement athérosclérose et complications tardives du diabète. D'ailleurs les femmes indemnes de prééclampsie démontrent un moindre risque de maladie cardio-vasculaire ultérieure.
En ce qui concerne le stress oxydatif, il semble en grande partie impliqué dans les altérations endothéliales rencontrées au cours de la prééclampsie. La fonction endothéliale est altérée par les LDL oxydées, que capturent les monocytes pour former des cellules spumeuses et éventuellement les stries lipidiques (rencontrées toutes deux au cours de l'athérosclérose). L'hypoxie du placenta, enfin, produirait des cytokines, génératrices de stress oxydatif. Des études sont d'ailleurs menées dans cette direction. Elles évaluent le bénéfice de la prescription d'antioxydants sur la fréquence de l'affection.
Quant aux causes génétiques, elles sont difficiles à déterminer en raison des circonstances de l'accident. Le génotype maternel, foetal ou la combinaison des deux sont-ils impliqués ? La grande diminution de l'incidence au cours des grossesses suivantes rend la contribution foetale difficile à analyser. La majorité des données familiales recueillies suggère une prépondérance du génotype maternel par rapport à celui de l'enfant à naître.
A l'inverse, la grande différence notée lors de grossesses gémellaires monozygotes et la réapparition du risque lors d'un changement de géniteur vont plutôt dans le sens d'une participation foetale non négligeable. Diverses théories s'affrontent. Celle du gène unique récessif, du gène unique dominant à pénétrance incomplète chez la mère... Dans quelles directions doivent se diriger les recherches génétiques ? Probablement, concluent les auteurs, vers les gènes impliqués dans les interactions foeto-maternelles.

« Lancet » vol. 357, 6 janvier 2001, p. 53-56.

Dr Guy BENZADON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6882