L A commercialisation d'une crème de beauté va permettre de sauver les vies de milliers d'Africains, victimes de la maladie du sommeil. Cette crème que le Laboratoire pharmaceutique Bristol-Myers Squibb (BMS) vend aux Etats-Unis depuis l'été dernier pour traiter l'hirsutisme sur le visage des Américaines, contient un principe actif, l'éflornithine (DFMO), utilisé dans le traitement de la trypanosomiase, la maladie du sommeil transmise par la mouche tsé-tsé.
Ce n'est donc pas à proprement parler la crème, mais son principe actif qui va être rendu accessible aux Africains. « Le procédé de fabrication du produit employé pour lutter contre la maladie du sommeil (sous forme injectable) n'a rien à voir avec le procédé de fabrication de la crème », indique-t-on chez BMS.
La maladie du sommeil a été presque entièrement éradiquée pendant la période coloniale (une dizaine de cas seulement rapportés en 1965), puis elle est réapparue au début des années soixante-dix, à la faveur des guerres civiles et du délabrement des systèmes de santé en Afrique subsaharienne. Depuis les années quatre-vingt, on a recours au DFMO pour traiter les malades. Simplement, les stocks s'amenuisent, faute de fabrication. En 1995, en effet, le laboratoire qui fabriquait le DFMO et qui a été absorbé par le géant de la pharmacie franco-allemand Aventis cesse sa production. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) récupère alors les stocks et les brevets de l'utilisation de la molécule contre la maladie du sommeil. A elle de trouver un fabricant. Des dizaines de laboratoires sont contactés, mais aucun d'entre eux n'est en mesure de proposer un prix de revient assez bas pour une diffusion à grande échelle en Afrique. On estime que le nombre de personnes infectées se situe dans une fourchette de 300 000 à 500 000. Globalement, 60 millions de personnes présenteraient des risques dans 36 pays. Les besoins sont donc réels, mais la population concernée n'est pas solvable. A l'OMS, on dispose de stocks jusqu'en juin 2001.
Un accord entre 6 partenaires
« L'été dernier, on apprend que le Laboratoire américain BMS va commercialiser, en partenariat avec Gillette, un genre de crème dépilatoire utilisant la DFMO », explique Anne-Valérie Kaninda, épidémiologiste au bureau new-yorkais de Médecins sans Frontières (MSF). « De son côté, l'OMS était toujours à la recherche d'un industriel pour fabriquer le DFMO injectable, raconte-t-on chez BMS. L'OMS s'est tournée vers nous et nous a demandé de l'aide. Nous sommes parvenus à un terrain d'entente. »
Un accord est sur le point d'être signé entre six partenaires : OMS, MSF, BMS, Dow Chemical, Aventis Pharma et Akorn Manufacturing. « Dow Chemical doit produire le DFMO en gros. Aventis Pharma a un rôle d'expertise technique et de contrôle. Akorn Manufacturing est chargé de produire le médicament injectable, souligne-t-on chez BMS. Nous, nous prenons en charge les coûts liés à la fabrication du DFMO injectable pendant trois ans. BMS s'est par ailleurs engagé à travailler, avec l'OMS, pour trouver d'autres sources de financement au-delà de trois ans. »
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