LES RENDEZ-VOUS DU QUOTIDIEN - Avant cinq semaines de grossesse

Une demande croissante d’IVG médicamenteuses en cabinet libéral

Publié le 30/05/2012
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Crédit photo : PHANIE

« UNE GROSSESSE non désirée, c’est la tuile, l’angoisse ! », déclarent vigoureusement de nombreuses patientes. Si la décision finale est de ne pas garder l’enfant, le temps est compté, le médecin doit informer rapidement la patiente sur les différentes méthodes d’interruption de grossesse. La technique utilisée dépend du choix de la femme et du terme de la grossesse. L’IVG chirurgicale peut-être pratiquée jusqu’à la fin de la 12e semaine de grossesse, soit 14 semaines après le début des dernières règles. Elle est effectuée obligatoirement en établissement de santé.

« L’IVG médicamenteuse peut se faire en établissement de santé, public ou privé, avec ou sans hospitalisation, jusqu’à 9 semaines d’aménorrhée selon les centres » précise le Dr Corine Rebelle, « au domicile de la patiente ou au cabinet du médecin généraliste ou du gynécologue libéral jusqu’à 7 semaines d’aménorrhée (SA) ». Cette dernière possibilité est de plus en plus choisie par les patientes mais elles doivent réagir vite car le délai est court. Le médecin de ville formé à la procédure s’engage à les recevoir dans les 5 jours.

Quatre ou cinq consultations.

Il y a deux consultations médicales préalables. La première consultation (C1) permet de confirmer puis de dater le début de la grossesse si possible par échographie. D’où la nécessité de travailler avec un cabinet de radiologie qui reçoit les patientes rapidement.

Le médecin informe les patientes sur les différentes procédures. Il lui remet un dossier guide détaillant les alternatives possibles, les risques éventuels, les organismes susceptibles d’apporter une aide morale et matérielle. Le groupage sanguin ABO-D est systématique. La prévention de l’incompatibilité Rhésus est indispensable chez toutes les femmes Rhésus négatif. La HAS stipule que « l’injection d’immunoglobulines doit être faite au plus tard dans les 72 heures qui suivent les saignements. En cas d’IVG médicamenteuse à domicile, elle préconise de la faire lors de la prise de mifépristone ».

Un entretien psycho-social est obligatoire pour les mineures. Cette première consultation marque le départ du délai de réflexion qui est d’une semaine.

La deuxième consultation (C2) est programmée légalement au moins 7 jours après. Le consentement écrit est recueilli et selon le contexte clinique, un dépistage des infections sexuelles transmissibles et du cancer du col utérin par frottis cervico-vaginal est proposé. Date est prise pour la réalisation de l’IVG médicamenteuse.

La méthode est simple. Elle consiste à prendre deux médicaments différents à 36 ou 48 heures d’intervalle. Le premier est une antiprogestérone, le mifépristone (RU 486) qui prépare le col. Il n’interrompt pas la grossesse. Le 2e est une prostaglandine (misoprostol) qui permet l’expulsion.

Sur le plan pratique, une courte formation, tant médicale qu’administrative (lire encadré) est obligatoire pour le médecin généraliste.

C’est à la troisième consultation (C3) que la mifépristone est prise par la patiente au cabinet du médecin. Le médecin remet à la patiente une feuille de liaison pour le centre de soins référent, à utiliser en cas de besoin, une fiche de conseils sur les suites normales de l’IVG et un numéro de téléphone à appeler en cas d’urgence. « Je remets une ordonnance d’antalgiques de palier 2 à prendre en cas de besoin après chaque prise médicamenteuse », poursuit ce médecin.

Une contraception est prescrite. Elle démarre le jour de la prise de prostaglandines 36 à 48 heures plus tard, à la 4e consultation (C4). « Je propose systématiquement aux patientes de les revoir pour la prise de misoprostol. Je pense que cela les rassure. De plus, elles viennent au cabinet avec leur accompagnant, lequel entend les effets secondaires possibles de cet acte médical », explique le Dr Corine Rebelle. Pour d’autres médecins, avec le recul de cette pratique, cette 4e consultation ne semble n’est plus indispensable car Ils se sont aperçus qu’il est plus confortable pour la patiente de prendre le misoprostol chez elle. Dans 60 % des cas, l’avortement (l’expulsion de l’œuf) se produit dans les 4 heures suivant la prise de ce médicament. Une surveillance au cabinet médical après la prise du médicament risque de la faire expulser sur le chemin du retour. Dans ce cas de figure, le médicament est remis à C3 et est ingéré 36 à 48 heures plus tard au domicile. Ce jour-là, la patiente ne doit pas être seule chez elle. Elle doit demeurer à moins d’une heure du centre de soins référent et pouvoir joindre le médecin qui la prend en charge. Les contractions utérines provoquent des douleurs semblables à celles des règles.

La dernière consultation est la visite de contrôle (C5). L’efficacité de la méthode est contrôlée entre le 14e et le 21e jour. « La description de l’expulsion est un bon indicateur de réussite », analyse ce médecin généraliste. La chute des bêta-HCG est aussi un indice de succès si on dispose d’un dosage de référence. Un contrôle échographique est possible mais l’interprétation est parfois difficile pour les radiologues non expérimentés.

Une déclaration de fin de procédure est envoyée au centre de soins référent.

Le forfait du médecin libéral comprend les consultations C2 à C5 et l’achat des médicaments (mifépristone et misoprostol) par le médecin. Pour les médecins non entraînés, la procédure peut sembler lourde à appliquer en ville. Les obstacles divergent en fonction de la tranche d’âge des médecins qui ont assisté à la réunion. Trop de papiers à remplir pour les seniors, une gêne à laisser leur numéro de portable aux patientes pour les plus jeunes. Une gynécologue libérale et expérimentée de l’assistance attirera tous les regards en soulignant « ça me donne un peu plus de travail mais ça rend service à mes patientes et à celles de mes correspondants ! », service d’autant plus précieux que dans certaines régions, les établissements de soins sont saturés.

Réunion organisée avec le soutien des Laboratoires Nordic Pharma

(1) Médecin généraliste attachée à la maternité de l’hôpital de la Croix rousse, Lyon

 Dr MARIE-LAURE DIEGO-BOISSONNET

Source : Le Quotidien du Médecin: 9133