De notre correspondant
I L est clair que, selon les études épidémiologiques, une consommation modérée d'alcool est associée à une baisse du risque de maladie coronarienne, mais la raison de cette association n'est pas certaine. Est-ce dû à l'éthanol ou bien à d'autres constituants trouvés dans les boissons alcoolisées, comme les antioxydants, tels les flavonoïdes ? Ou bien ce bénéfice apparent reflète-t-il, en fait, des facteurs du mode de vie auquel est corrélée une consommation modérée d'alcool ?
Une nouvelle étude suggère fortement que l'éthanol est bien responsable de ce bénéfice, au moins en grande partie. L'alcool est métabolisé dans l'organisme par l'alcool déshydrogénase, qui existe sous trois isoformes (ADH1, ADH2 et ADH3). On sait aussi qu'un polymorphisme du gène ADH3 modifie la vitesse d'oxydation de l'éthanol. L'allèle gamma 1 du gène ADH3 est associé à une oxydation rapide, tandis que l'allèle gamma 2 est associé à une oxydation lente.
Hines (Harvard Medical School, Boston) et coll. ont examiné la variation du bénéfice de la consommation modérée d'alcool sur le risque d'infarctus du myocarde en fonction du polymorphisme ADH3. Ils ont conduit, pour cela, une étude cas-témoin au sein de l'étude prospective de la Physicians Health Study. Près de 400 participants venant de faire un infarctus du myocarde ont été identifiés en 1996. Ils ont été appariés à 770 participants témoins. Les investigateurs ont déterminé chez tous ces sujets le génotype ADH3 (gamma 1/gamma 1, gamma 1/gamma 2 ou gamma 2/gamma 2), ainsi que la consommation d'alcool et le taux plasmatique des HDL.
Variation significative selon le génotype
Leur étude montre qu'une consommation modérée d'alcool est associée à un risque réduit d'infarctus dans les trois groupes de génotype ; toutefois, l'association varie significativement selon le génotype. Ainsi, parmi les hommes homozygotes pour l'allèle gamma 1 (oxydation rapide), ceux qui boivent au moins un verre d'alcool par jour (14 g d'alcool) ont un risque d'infarctus abaissé de 38 % par rapport à ceux qui consomment moins d'un verre par semaine (RR = 0,62 ; IC95 % : 0,34 à 1,13). Toutefois, la réduction du risque est la plus grande (86 %) dans le sous-groupe des hommes homozygotes pour l'allèle gamma 2 qui boivent au moins un verre d'alcool par jour (RR = 0,14 ; IC95 % : 0,04 à 0,45). Ces hommes ont aussi les taux les plus élevés de HDL.
Hines et coll. ont constaté que le génotype ADH3 modifie de la même façon chez les femmes le bénéfice de la consommation d'alcool sur le taux de HDL. Ils ont établi ce fait grâce à une étude indépendante conduite chez 365 femmes ménopausées participant à la Nurses Health Study.
« Puisque la principale fonction de l'alcool déshydrogénase de type 3 est de métaboliser l'alcool, ce résultat concorde avec l'hypothèse selon laquelle une élimination plus lente de l'alcool accentue l'effet bénéfique d'une consommation modérée d'alcool sur le risque de maladie cardio-vasculaire », notent Hines et coll. On sait que cette enzyme ne métabolise pas d'autres composés et il est peu probable que le polymorphisme pour l'ADH3 soit associé à certains facteurs du mode de vie.
« Nos données suggèrent que la réduction du risque d'infarctus attribuée à l'interaction entre le génotype ADH3 et le taux de consommation d'alcool n'est pas dû seulement à une augmentation du taux des HDL », ajoutent-ils.
« New England Journal of Medicine », 22 février 2001, p. 549.
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