C OOPERATIVES, mutuelles, secteur associatif, éducation populaire, systèmes d'échanges locaux, intermittents du spectacle : autant d'entités économiques et sociales qui constituent aujourd'hui ce que l'économiste Alain Lipietz, député européen vert, intitule le tiers secteur : un nouveau type d'entreprises à but social, c'est-à-dire, pour reprendre la formulation de Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi, « travaillant dans le secteur marchand, mais sans vocation à réaliser des profits, le but étant d'offrir des services ou d'aider à la création d'emplois qui en manque. »
La palette des statuts existants
Faut-il créer un nouveau statut pour toutes ces entreprises ? Telle était la question posée, dès septembre 1998, à Alain Lipietz. Non, répond-il aujourd'hui dans le rapport qu'il remet à Elizabeth Guigou. « Il est tout à fait possible de se passer d'un nouveau statut et de se contenter d'un aménagement de la palette des statuts existants au sein de l'économie sociale. »
Mais, pour se dispenser d'une réforme de la forme juridique des entreprises œuvrant dans le tiers secteur, la démarche n'en est pas moins ambitieuse. Plusieurs inflexions institutionnelles l'avaient précédé ces dernières années : la loi sur les « emplois jeunes », premier pas en avant significatif vers un authentique tiers secteur ; l'installation du Conseil national des villes, avec le développement d'activités d'intérêt collectif au sein de la cité ; la loi sur l'exclusion, avec la création du Conseil national de l'insertion par l'activité économique qui combine les missions des entreprises et des associations ; la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable des territoires, dite loi Voynet, qui, en créant de nouvelles entités administratives, les pays, a mis en place des politiques de subvention pour les entreprises « à but social territorialement ».
Aujourd'hui, c'est rien moins que le squelette d'une importante loi-cadre qui est dévoilé : pour regrouper et unifier l'ensemble des dispositifs fiscaux et administratifs de tous ces textes.
Pendant plus d'un an, le député européen a donc rencontré les « têtes de réseau » concernés par le sujet, et ce dans chacune des vingt-deux régions métropolitaines.
Un label commun
« Au fil de mon enquête-négociation, il m'est apparu qu'un large consensus se formait pour ménager un espace, désigné par un label commun, essentiellement à l'intérieur du champ de l'actuelle économie sociale, mais avec une extension possible dans le secteur privé, un espace défini par une charte portant à la fois sur les buts sociaux et l'organisation interne, explique le parlementaire européen au « Quotidien ». Sous ce label pourraient se rassembler associations, coopératives, unions d'économie sociale, entreprises privées, travailleurs individuels et systèmes d'échanges locaux. Cette structuration, dans laquelle interviendrait le type d'activité des uns et des autres (secteur médico-social, écologie, culture, etc.) fournirait à l'ensemble des acteurs une visibilité comparable à celle du mouvement HLM, où se côtoient des promoteurs, sociétés anonymes, sociétés d'économie mixte, coopérative, etc. »
Comme la somme des aménagements nécessaires est considérable, la plupart ayant un caractère législatif, Alain Lipietz préconise la formule d'une loi-cadre. Y prendrait place la « charte de l'économie sociale et solidaire », qui définirait la notion d'utilité sociale, préciserait celle de non-lucrativité et permettrait l'attribution du label, de son suivi et de son évaluation permanente pour accorder les avantages fiscaux qui y seraient liés.
« Ce projet pourrait être présenté au Parlement par Elizabeth Guigou, souhaite Alain Lipietz, il devrait y rencontrer l'adhésion d'une large majorité ; il n'en va pas seulement de la création d'emplois pour la fraction de notre population la plus éloignée du monde du travail, celle à qui ni la croissance retrouvée ni la réduction de la durée du travail ne peuvent guère apporter d'espoir, mais il s'agit surtout d'assurer, sous une forme nécessairement spécifique, les fonctions de lien social laissées en déshérence par le délitement de la famille élargie, comme par le retrait de l'Etat. »
Reste à savoir si le calendrier parlementaire, alors que l'on approche de la fin de législature, laissera le temps à l'actuel gouvernement de faire adopter cette future loi Guigou.
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