Les antidiabétiques constituent aujourd’hui l’une des principales voies de recherche de l’industrie pharmaceutique, puisque le diabète de type 2 touchera, d’ici un peu plus d’une décennie, un demi-milliard d’individus. Mais on constate que dans les classes les plus récemment arrivées sur le marché – incrétines (inhibiteurs de la DPP4, agonistes du GLP1), comme inhibiteurs des SGLT2 – de nombreux groupes industriels ont proposé des molécules assez similaires dans leur structure et leurs effets, et surtout qui ne concernent pas l’insulinorésistance.
De fait, depuis la mise sur le marché des glitazones, aucune nouvelle classe visant à réduire l’insulinorésistance n’avait été développée au-delà d’études animales, mêmes prometteuses. Sans compter que l’usage des glitazones a de plus en plus décliné, malgré les bénéfices thérapeutiques de la pioglitazone ; elles ne sont même plus disponibles en France.
Une des cibles principales de recherche est donc de réduire le phénomène de lipotoxicité – qui est un des importants mécanismes expliquant la résistance à l’insuline – mais aussi des troubles de la sécrétion d’insuline chez les sujets porteurs d’un DT2. Aujourd’hui l’imeglimine (lire encadré) est la molécule la plus avancée dans ce domaine.
Un flux ré-orienté vers l’oxydation des acides gras
Le premier travail sur l’imeglimine, présenté par Sophie Hallakou-Bozec (Lyon, France) a montré, sur un modèle animal de souris nourries par régime très riche en graisse et en sucrose (HFHS diet), que l’imeglimine normalise la tolérance au glucose et la sensibilité à l’insuline en améliorant la fonction mitochondriale (119-OR).
L’étude a été menée sur trois lots de souris : normales nourries avec un régime normal ; ou par le régime HFHS diet ; ou HFHS diet recevant de l’imeglimine. Tous les animaux ont été suivis durant 16 semaines, les 6 dernières sous imeglimine dans le 3e groupe sous HFHS diet.
La première constatation est une normalisation de la tolérance au glucose – qui est très diminuée par le régime HFHS diet. Les mécanismes impliqués ont été étudiés minutieusement. Le régime HFHS diet induit une baisse très marquée de la phosphorylation de la protéine kinase B dans le muscle et le foie ; ce trouble est en partie corrigé par l’imeglimine dans le muscle, et totalement dans le foie.
De plus, le régime HFHS diet provoque une stéatose hépatique très importante, qui est en partie corrigée par l’imeglimine. Cette accumulation de lipides concerne les lipides totaux, les triglycérides, le stérol et le DAG. L’imeglimine la réduit de 30 à 36 %.
L’impact de cette molécule s’exerce, on le sait aujourd’hui, sur la mitochondrie : dans cette étude, il est démontré principalement un accroissement de la respiration mitochondriale à partir du succinate, une réduction de la production de Radical oxygen species (ROS), une restaurauration l’activité du complexe 3 et une inhibition du complexe 1. Au total, cet effet mitochondrial ré-oriente le flux oxydatif vers l’oxydation des acides gras. De plus, l’imeglimine accroit le nombre de mitochondries dans le foie et protège celles-ci contre les effets délétères des ROS.
Ces effets mitochondriaux expliquent la diminution de la résistance globale à l’insuline, l’amélioration de la signalisation de celle-ci, ainsi que la correction de la stéatose hépatique induite par le régime HFHS diet. Les effets sont principalement expliqués par l’augmentation de l’oxydation des acides gras.
Un argument mitochondrial en clinique humaine
La deuxième présentation, effectuée par Michael Roden (Düsseldorf, Allemagne) a montré que l’imeglimine accroit la sécrétion d’insuline glucodépendante et la fonction béta-cellulaire chez des patients ayant un DT2 (120-OR). Ici, 30 sujets ayant un DT2 (HbA1c de 6,5 à 7,5 %) naïf de tout traitement ou en monothérapie metformine – après 2 semaines de wash-out dans ce dernier cas – ont été randomisés en deux groupes : 15 témoins et 15 personnes recevant durant 7 jours de l’imeglimine à raison de 1 500 mg 2 X/jour. Tous ont été ensuite soumis à un clamp hyperglycémique. La vitesse de sécrétion de l’insuline, la fonction béta-cellulaire (première et seconde phase de sécrétion en réponse au glucose), l’extraction hépatique de l’insuline et la clairance de l’insuline ont été étudiés.
L’imeglimine augmente la réponse insulinique au glucose de 112 %, la première phase d’insulinosécrétion de 110 %, la seconde de 30 % (p = 0,03 pour les trois). La sensibilité de la cellule béta au glucose est augmentée de 36 % ; il y a une tendance (– 13 %, p=0,056) à la baisse de l’extraction de l’insuline par le foie. Elle reste en revanche sans effets sur la sécrétion du glucagon. Selon le Dr Roden, le fait que l’exposition à la molécule n’ait été que de 7 jours permettrait de penser que les bénéfices puissent passer par un effet mitochondrial.
Rappelons qu’une étude clinique a démontré précédemment que l’imeglimine améliore le contrôle glycémique chez des patients DT2 insuffisamment contrôlés en monothérapie metformine (– 0,44 % d’HbA1c si basale ‹ 8 % et jusqu’à – 0,78 % si basale› 9 %) (1), et semble offrir le même bénéfice glycémique que la metformine en monothérapie sans effets indésirables (2). Une autre étude, menée chez des patients DT2 sous sitaglitpine 100 mg/j, montre que l’imeglimine améliore le contrôle glycémique, avec une baisse d’HbA1c (dont la valeur basale était de 8,5 %) de – 0,60 % versus + 0,12 % sous placebo (– 0,72 % ; p ‹ 0,001) (3). Ces deux complémentarités semblent en faveur des effets pluritissulaires de ce nouvel ADO.
Cette molécule – et peut-être la classe à laquelle elle appartient, les glimines – représente indéniablement un progrès spectaculaire dans la recherche de nouveaux ADOs, très certainement la plus avancée dans la course à la découverte de nouveaux ADOs. Ceci, en particulier du fait de son impact sur le phénomène de lipotoxicité et la stéatose hépatique, qui n’ont plus été ciblés par des molécules depuis les glitazones, surtout la pioglitazone. L’imeglimine offre deux avantages par rapport aux glitazones : un effet direct sur l’insulinosécrétion (pas uniquement par la lipotoxicité) et l’absence d’effets secondaire, du moins sur les premières études de phase II publiées mais encore de courte durée, 12 semaines (1, 2, 3).
On me permettra enfin de rappeler que les travaux mécanistiques initiaux ont été réalisés à l’université des sciences et médicale de Grenoble (université Joseph Fourier), dans l’équipe du regretté Pr Xavier Leverve (4). Deux très belles études qui dissèquent de façon très rigoureuse les mécanismes d’action très originaux de cette molécule, expliquant très largement les effets métaboliques enregistrés chez l’animal comme chez l’homme.
Session du 14 juin. Novel therapeutic agents.
119-OR. Hallakou-Bozec S. Imeglimin normalizes glucose tolerance and insulin sensitivity in improving mitochondrial function in a high-fat high-sucrose diet mice model.
120-OR. Roden M. Imeglimin increases glucose-dependent insulin secretion and improves beta-cell function in patients with type 2 diabetes
(1) Fouqueray P, Pirags V, Inzucchi SE, et al. The efficacy and safety of imeglimin as add-on therapy in patients with type 2 diabetes inadequately controlled with metformin monotherapy. Diabetes Care 2013 Mar;36:565-8
(2) Pirags V, Lebovitz H, Fouqueray P. Imeglimin, a novel glimin oral antidiabetic, exhibits a good efficacy and safety profile in type 2 diabetic patients. Diabetes Obes Metab 2012;14 :852-8.
(3) Fouqueray P, Pirags V, Diamant M, et al. The Efficacy and Safety of Imeglimin as Add-on Therapy in Patients With Type 2 Diabetes Inadequately Controlled With Sitagliptin Monotherapy. Diabetes Care 2014;37:1924-30
(4) Fouqueray P, Levere X, Fontaine E, et al. Imeglimin–a new oral anti-diabetic that targets the three key defects of type 2 diabetes. J Diabetes Metab 2011;2:4
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature