De notre correspondante
à New York
«N OUS pourrions tout aussi facilement introduire, par exemple, un gène de la maladie d'Alzheimer, afin d'accélérer le développement d'un vaccin pour cette maladie », affirme, dans un communiqué, le chercheur Gerald Schatten (Oregon Regional Primate Research Center, Oregon University à Beaverton) qui a dirigé l'équipe. « Nous pourrions obtenir de meilleurs résultats avec un nombre réduit d'animaux et accélérer la mise au point de traitements par la médecine moléculaire. »
L'an dernier, Tetra, guenon clonée
Gerald Schatten n'est pas un inconnu et son équipe n'en est pas à son premier « exploit ». L'année dernière, il a annoncé la première tentative réussie de clonage d'un singe avec la technique du sectionnement d'embryons (« Science » du 14 janvier 2000). Tetra, cette guenon clonée, est maintenant âgée de 1 an et se porte bien.
C'est dans le même centre qu'ANDi - le premier singe transgénique - est né le 2 octobre dernier. ANDi et sa mère porteuse se portent bien aussi. « ANDi est très alerte et joue comme un singe de son âge avec ses deux compagnons », indique Schatten.
Nous avions déjà les souris transgéniques, qui ont été d'une aide inestimable pour accélérer les progrès de la médecine. Mais les souris diffèrent en de nombreux points de l'homme, ce qui limite leur utilité. Bien plus précieux seraient donc les singes transgéniques.
Chan, Schatten et coll. ont utilisé un vecteur rétroviral moloney qui a été pseudotypé avec la glycoprotéine d'enveloppe G du virus de la stomatite vésiculeuse (VSV-G pseudotype). Dans ce vecteur rétroviral, a été inséré un gène marqueur - le gène GFP d'une protéine vert fluorescent, lequel est placé sous le contrôle d'un promoteur (soit le promoteur du CMV, soit le promoteur du facteur humain d'élongation 1-alpha).
Pour maximiser leurs chances de transférer le gène GFP, les chercheurs ont injecté le vecteur rétroviral dans pas moins de 224 ovules de singes Rhésus. Ces ovocytes modifies ont été, six heures après, fécondés in vitro (par injection intracytoplasmique de sperme) ; 57 % des embryons se sont développés au-delà du stade de quatre cellules ; 40 embryons ont alors été transférés chez 20 mères singes porteuses (2 embryons par mère porteuse).
Seulement 5 mères singes porteuses ont développé une grossesse, et seulement 3 d'entre elles ont abouti à la naissance de 3 singes mâles en bonne santé (dans un cas, il n'y a pas eu de développement du fœtus, et dans un autre cas, il y a eu fausse couche avec perte de jumeaux à mi-chemin de la grossesse).
Poils, bouche, sang, placenta, cordon, cellules urinaires
Sur les 3 singes nouveau-nés mâles, un seul est transgénique, avec la présence de l'ADN et ARNm du transgène dans tous les tissus étudiés (poils, épithélium buccal, sang, placenta, cordon ombilical, et cellules excrétées dans les urines). Les chercheurs ont appelé ce singe transgénique ANDi (miroir de iDNA pour « inserted DNA »).
L'examen des deux fœtus jumeaux mort-nés a aussi révélé une intégration génomique du transgène dans tous les tissus analysés. De plus, la fluorescence observée dans leurs ongles, leurs poils et leur placenta montre que le transgène est bien exprimé. La fluorescence n'est pas observée chez ANDi, peut-être parce que la protéine est exprimée en trop petite quantité ou parce qu'elle ne s'exprimera que plus tard.
Dans quatre ans, la puberté
Les chercheurs ne savent pas encore si ANDi porte le transgène dans ses cellules germinales et si une transmission germinale sera possible ; pour cela, il faudra attendre sa puberté dans quatre ans.
Les cellules souches et la thérapie génique sont prometteuses pour traiter de nombreuses maladies comme la maladie de Parkinson et le diabète. « Des singes comme ANDi et Tetra nous aideront à déterminer rapidement, mais en toute sécurité, si de nouvelles thérapies sont sûres et efficaces », fait observer Schatten. Il ajoute par ailleurs qu'on pourra « peut-être bientôt introduire des marqueurs surveillés par des techniques non invasives, comme l'IRM ou la PET, afin de découvrir les événements qui conduisent aux maladies telles que le diabète, les maladies cardiaques, voire les maladies mentales ».
« Science » du 12 janvier 2001, p. 309.
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