Psychiatrie de liaison

Une passerelle avec les somaticiens

Publié le 16/12/2010
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« LA PSYCHIATRIE de liaison tient une place intégrante dans les hôpitaux. Son importance tient d’abord au développement des techniques médicales qui, en elles-mêmes, peuvent avoir des effets iatrogènes sur le plan psycho-pathologique. Certains soins, par exemple dans le domaine de fertilité ou de l’oncologie, ne peuvent être conduits dans nombre de cas que si, parallèlement, il y a une prise en charge psychiatrique », explique le Dr Isabelle Ferrand, chef du pôle de psychopathologie, médecine des adolescents, psychiatrie adulte et addictions de l’hôpital Cochin à Paris. « A contrario, le développement des soins psychiatriques amène les malades, souffrant de troubles mentaux, à vivre dans la cité et donc à être hospitalisés dans des services de MCO, ajoute-elle. Pour mener à bien ces soins, il y a la nécessité d’un double plateau technique avec des somaticiens et des psychiatres qui sont là pour aménager les séjours et la continuité des soins. Et pour que cela fonctionne, il faut une intégration de la psychiatrie de liaison aux soins somatiques ».

Un travail en commun.

Selon le Dr Ferrand, la clé du succès réside dans une compétence relationnelle permettant un vrai travail en commun. « Il faut que les somaticiens aient bien conscience des enjeux de cette prise en charge partagée : il ne faut pas que leur principal souci soit de « dégager » un patient de leur service en disant au psychiatre que c’est uniquement à lui de s’en charger. Dans certaines situations une évaluation psychiatrique est indispensable pour permettre une bonne mise en œuvre des soins somatiques. Je pense, par exemple, au cas récent d’une jeune fille anorexique qui avait fait un arrêt cardiaque et était hospitalisée en cardiologie. Elle avait une kaliémie effondrée et il fallait qu’on travaille ensemble, avec les cardiologues, pour qu’elle accepte une prise en charge ».

Cet investissement en faveur de la psychiatrie impose de faire des choix au niveau de l’affectation des moyens. « Quand on travaille à moyens constants, comme c’est le cas dans un très grand nombre de structures hospitalières, ce n’est pas forcément évident. Mais si on raisonne en terme médico-économique, je pense que ce type de prise en charge est indispensable. Si vous voulez avoir la possibilité de raccourcir un certain nombre d’hospitalisations, il faut une prise en charge composite qui évite les errances et des examens inutiles. Il est dans l’intérêt de tous d’orienter les patients au mieux et le plus vite possible. Prendre en compte d’éventuels éléments psychopathologiques contribue à faciliter l’observance des traitements. On sait aujourd’hui que dans les facteurs de non-observance, les facteurs psychologiques sont importants », indique le Dr Ferrand.

Aujourd’hui, le niveau d’investissement des équipes dans la psychiatrie de liaison dépend encore très largement des volontés politiques locales dans chaque établissement. « Au niveau de la collégiale des psychiatres de l’AP-HP, c’est un axe qu’on a défini comme prioritaire au même titre que les urgences psychiatriques. Et aujourd’hui, on peut constater que l’intégration de la psychiatrie de liaison dans les soins somatiques existe dans la plupart des services », souligne le Dr Ferrand.

D’après un entretien avec le Dr Isabelle Ferrand, chef du pôle de psychopathologie, médecine des adolescents, psychiatrie adulte et addictions de l’hôpital Cochin, Paris.

 ANTOINE DALAT

Source : Bilan spécialistes