UNE PETITION SIGNEE PAR PRES de 2,5 millions de femmes, des manifestations nationales et la parution, le 1er février 2003, d'un décret rétablissant l'enseignement de la gynécologie médicale n'y ont rien changé : la gynécologie médicale souffre toujours d'une pénurie de praticiens et surtout du manque de reconnaissance du monde médical.
Créé il y a cinq ans pour lancer une mise en garde sur « la santé des femmes en danger », le Comité de défense de la gynécologie médicale (Cdgm) demande aujourd'hui des garanties pour l'avenir de la profession.
« Depuis la création du DES l'année dernière, rien n'a changé pour les gynécologues médicaux », commente le Dr Claire Coussirat-Coustère, présidente du Cdgm. Certes, 20 postes devraient être attribués à la gynécologie médicale pour l'internat 2004 ; mais la proposition de la direction générale de la Santé est jugée très insuffisante pour combler les prochains départs à la retraite.
Les perspectives démographiques sont catastrophiques à court terme puisque la moyenne d'âge des professionnels en exercice est supérieure à 50 ans. Selon une étude réalisée par le Cdgm, il faudrait que 119 internes soient formés chaque année pour maintenir l'effectif actuel de 1 700 gynécologues médicaux.
Depuis la suppression du certificat d'études supérieures (CES) en 1984, jusqu'à la création du diplôme d'études spécialisées (DES) rétablissant le titre de spécialiste en gynécologie médicale à la fin d'une formation de cinq ans, près de vingt années se sont écoulées. Pendant ce laps de temps, beaucoup se sont faits à l'idée de la disparition progressive de la gynécologie médicale. Une partie des gynécologues-obstétriciens se sont orientés finalement vers la gynécologie médicale pure et les médecins généralistes sont amenés à jouer un rôle de plus en plus important dans le dépistage des cancers féminins et le suivi des grossesses.
Pourtant, le Dr Coussirat-Coustère ne veut pas croire à la disparition de la gynécologie médicale. Avec le Cdgm, elle se bat pour que des mesures concrètes soient prises « afin de rendre la spécialité attractive ». En effet, la gynécologie médicale ne dispose actuellement d'aucune section au Conseil national des universités et rencontre une « opposition farouche des universitaires obstétriciens ». Une guerre larvée, selon les termes de la présidente du Cdgm, et très mal vécue par les professionnels en exercice.
« Les obstétriciens pensent qu'ils sont seuls capables en gynécologie et que notre spécialité est inutile. Pourtant, les femmes nous soutiennent. Elles disent que nous sommes davantage à leur écoute », souligne le Dr Coussirat-Coustère.
Une répartition inégale sur le territoire.
Ces dernières années, les conditions d'exercice des gynécologues médicaux n'ont cessé de se dégrader : moins de temps à consacrer à chaque patiente, pressions importantes de certaines pour être vues, des charges financières lourdes qui ne permettent pas d'engager une secrétaire... Le délai moyen d'attente pour un rendez-vous est de 7 semaines. Et les choses ne s'arrangent pas. Dans certaines régions comme la région Midi-Pyrénées, en forte pénurie (voir ci-dessous), il faut parfois attendre six mois. Ce qui contraint certains praticiens à refuser de nouvelles patientes. La situation est d'autant plus dramatique que les gynécologues médicaux sont très inégalement répartis sur le territoire. En 2002, une étude de la Direction de la recherche, des études et des évaluations en statistiques (Drees) indiquait que près des deux tiers étaient installés dans des villes de plus de 200 000 habitants.
Les étudiants dénoncent un DES inutile
La création d'un DES de gynécologie médicale en février 2003 n'a pas gagné la faveur des étudiants et des médecins généralistes. Le 11 mars 2003, des syndicats d'étudiants (Anemf, Isnar, Isnih) et de médecins généralistes (MG-France, Unof, Snjmg), ainsi que le Collège national des gynécologues obstétriciens français, adressaient une lettre ouverte au ministre de la Santé pour lui indiquer leur opposition à la création du DES. Tout en reconnaissant la qualité du travail effectué par les gynécologues médicaux, ils mettaient en avant la redondance entre les filières de gynécologie-obstétrique et de gynécologie médicale. « Il est certain qu'une partie des gynécologues médicaux développeront à court, moyen ou à long terme une activité exclusive de gynécologie médicale. » La lettre mentionnait également que la filière de gynécologie médicale « se ferait au détriment de spécialités sinistrées ». Cette année, la Commission nationale des études médicales (Cnem) a validé l'attribution en gynécologie médicale de 20 postes d'internat pour la prochaine rentrée universitaire. Le président de l'Intersyndicale national autonome des résidents (Isnar), Olivier Marchand, parle d'hérésie démographique : « Les obstétriciens qui pratiquent des accouchements et des actes de chirurgie sont compétents pour assurer une activité de consultation tandis que les médecins généralistes couvrent la majorité de la population féminine et sont les premiers à dépister le cancer du sein dans les campagnes. » Selon lui, « les 20 places d'internat auraient dû profiter à d'autres spécialités ».
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