C’EST pratiquement depuis l’Antiquité que l’on s’intéresse au périoste. Au début, il n’était perçu que comme une membrane limitante à la surface de l’os. A l’aube du XIXe siècle, après avoir procédé exclusivement à des amputations, les chirurgiens confrontés aux infections excisent parfois des séquestres et observent des phénomènes régénératifs. Au milieu de ce XIXe siècle, Ollier consacre un effort important à l’étude du processus de réparation tissulaire osseux et s’intéresse tout particulièrement au périoste.
Aux siècles précédents, plusieurs auteurs l’avaient précédé et avaient suggéré le rôle de cette structure dans la régénération du tissu osseux. La qualité du travail d’Ollier réside dans le fait qu’il s’est livré à des expérimentations animales afin d’identifier les mécanismes ostéogéniques du périoste. Ollier a ainsi confirmé par des greffes de périoste son potentiel ostéogénique chez différents modèles animaux, mais a observé que ce potentiel s’exprimait d’autant mieux que le sujet d’étude était jeune.
C’est par ces travaux que la dualité couche profonde-couche superficielle au sein du périoste a été établie. Il a démontré que la couche profonde ou « cambiale » portait des cellules participant au processus de consolidation et donc douées de capacités régénératrices.
Une constitution anatomique clarifiée.
Le périoste est la suite de la membrane qui, au stade embryologique, enveloppe les maquettes squelettiques cartilagineuses et qui est désignée sous le nom de périchondre. Le périoste tapisse la surface des os de manière continue sauf au niveau des surfaces articulaires ou des zones d’insertion tendineuse. Dans l’ensemble, il est constitué de cellules ostéogéniques et fibroblastiques au sein d’un réseau fibrillaire hautement vascularisé et innervé. Il se compose en fait de deux couches :
– une couche profonde directement plaquée sur l’os, « cambiale », épaisse, hautement cellulaire (cellules progénitrices, ostéoblastes, cellules progénitrices mésenchymateuses plus ou moins différenciées…) ;
– une couche superficielle fibreuse.
Chez l’enfant, la couche profonde est d’autant plus épaisse qu’il est jeune ; sa densité cellulaire y est marquée puis s’amoindrit au fur et à mesure que l’on avance en âge.
Une physiologie mieux comprise.
La croissance en longueur des os a toujours fasciné les chercheurs. Le périoste intervient dans la régulation de cette croissance. Cette membrane peut être considérée comme une enveloppe mécanique arrimée aux épiphyses, à l’intérieur de laquelle doit persister une harmonie de croissance. On observe couramment après une fracture des membres chez un enfant qu’il peut se produire une accélération transitoire de la croissance du membre après sa consolidation, surtout si cette dernière a été anatomique.
Le périoste intervient également sur la croissance circonférentielle préservant une morphologie et des proportions cohérentes à un os long donné. Ce processus s’effectue par apposition de couches osseuses successives. Cette apposition met en oeuvre à la fois des phénomènes de résorption et des phénomènes de production osseuse. Des contrôles moléculaires règlent l’intensité respective de ces phénomènes. Des interactions multiples ont lieu entre des facteurs de croissance et des hormones suivant le stade de croissance auquel se trouve le sujet. C’est, en fin de compte, un acteur important d’équilibre de l’architecture et de la morphologie des éléments squelettiques en cours de remodelage constant durant la croissance.
Un intervenant dans de nombreuses pathologies.
En cas de fracture, le périoste est un acteur essentiel de la production du cal de consolidation. Chez l’enfant, cette fonction de consolidation est facile à objectiver. Les délais de consolidation sont plus courts, des stimulations transitoires de croissance et les capacités de remodelage du cal sont impressionnantes.
C’est par sa dualité de fonctions mécanique et biologique que le périoste imprime cette physionomie si particulière à la consolidation fracturaire chez l’enfant. Sur le plan mécanique, le fourreau périostique modère les déplacements et contient l’hématome périfracturaire dans un espace limité facilitant sa colonisation ultérieure par les cellules formatrices du cal. Biologiquement, lors des fractures, le périoste agit directement, au moyen de cellules ostéo-chondrogéniques : il est source de facteurs de croissance locaux facilitant le recrutement de cellules progénitrices mésenchymateuses et favorise le développement vasculaire local indispensable au remodelage ultérieur.
Dans les pathologies qui nécessitent des corrections par allongement et donc qui passent, initialement, par la création d’une fracture, le périoste est un atout thérapeutique qu’il faut savoir apprivoiser et surtout parfaitement ménager.
Dans l’ostéomyélite hématogène, le périoste peut tout aussi bien être un élément aggravant qu’un élément avantageux. La formation d’abcès d’origine métaphysaire sous pression le décolle, contribuant à la suspension d’apport vasculaire et, donc, à la nécrose et/ou à une séquestration. A l’inverse, de l’os sain peut se régénérer si l’on reste attentif à éviter le décollement ou toute forme de nécrose périostée.
Le périoste joue aussi un rôle critique dans la pseudarthrose congénitale du tibia et l’épiphysiolyse de hanche.
Une recherche pleine d’avenir.
Le périoste est un terrain privilégié de recherche dans la mesure où il représente un véritable réservoir de cellules souches de la lignée parenchymateuse relativement immatures. Ce tissu multipotent peut être utilisé pour des applications expérimentales de régénération tissulaire. Les lambeaux périostés sont régulièrement utilisés dans diverses situations de pertes de substances osseuses ou cartilagineuses.
Dans les tentatives de resurfaçage épiphysaire par greffes chondrales après expansion cellulaire, des patchs par lambeaux périostés sont le moyen technique d’assurer la stabilité de ces colonies cellulaires au niveau d’un défect géographique donné, tout en lui assurant un environnement propice à la régénération tissulaire.
Au total, le périoste représente bien plus qu’une banale membrane de revêtement des unités squelettiques. Il inspire par son rôle pluraliste dans la vie du tissu osseux un effort de recherche constant qui n’a pas fini de livrer tous ses mystères.
D’après une conférence d’enseignement du Dr. Didier Moukoko, Montpellier.
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