C HEZ l'homme, le gène FHIT est situé au niveau de la zone fragile FRA3B du chromosome 3p14.2.
Ce gène tumeur suppresseur est altéré (délétion) dans de nombreux cancers humains : poumon, tête et cou, sein, col utérin, vessie, œsophage, estomac et pancréas.
Chez la souris, l'homologue de ce gène est situé lui aussi sur une zone fragile et il est altéré dans des lignées de cellules tumorales murines. Les souris ayant un allèle inactivé (FHIT+/FHIT-) sont exposées aux cancers de l'œsophage et du « pré-estomac » (comme le bas œsophage humain, le pré-estomac des souris est bordé par un épithélium) lorsqu'elles sont exposées à un carcinogène, le NMBA (N-nitrosométhylbenzylamine, lequel est, on le sait, responsable de la très forte incidence du cancer de l'œsophage dans le nord-est de la Chine et dans certaines régions d'Iran.
Dans ce contexte, l'équipe de Kristoffel Dumon (Kimmel Cancer Center, Philadelphie) a cherché à savoir si la correction de ce défaut génétique par thérapie génique pouvait réduire le risque de cancer chez les souris exposées au NMBA.
Deux vecteurs viraux ont été testés
Pour cela, l'ADN du FHIT a été isolé à partir de placenta humain et introduit dans deux types de vecteurs viraux : l'adénovirus et le virus adéno-associé.
Des souris FHIT+/FIT-, âgées de 20 à 32 semaines, ont reçu six doses de NMBA par gavage à des intervalles de 3 à 4 jours. Au bout de quatre semaines, elles ont été réparties en quatre groupes : un groupe témoin (non traité) de 12, deux groupes de 8, recevant des doses comparables soit d'adénovirus modifié, soit de virus adéno-associé modifié, et un groupe recevant les deux virus modifiés.
Pendant une période d'observation de dix semaines, deux souris du groupe combiné sont mortes d'une pneumonie, ce qui est probablement du à l'effet du volume total des deux virus.
Quatorze semaines après la première dose de NMBA, soit dix semaines après la thérapie génique, les souris ont été sacrifiées. L'œsophage, l'estomac et d'autres organes (tractus digestif, rate, foie, cerveau) ont été prélevés et analysés macroscopiquement et histologiquement.
Dans l'œsophage et le pré-estomac (mais pas dans les autres organes) des trois groupes traités, on a détecté l'expression de la protéine humaine FHIT, témoin de l'incorporation du gène.
Chez les souris non traitées, on a constaté de nombreuses tumeurs prégastriques. Dans les trois autres groupes, on a constaté des lésions beaucoup moins nombreuses et beaucoup moins grosses. Histologiquement chez les souris non traités, on a trouvé des lésions diverses, prédominant dans le pré-estomac et à au niveau de la jonction : papillomes, lésions focales hyperplasiques et carcinomes invasifs ; chez les souris traitées, l'épithélium était en revanche presque normal.
Ainsi, les deux protocoles de thérapie génique (avec deux vecteurs différents) a abouti au même résultat biologique : une protection significative
Des perspectives chez l'homme
« Sur la base de nos résultats, il sera intéressant de voir si l'administration locale du gène FHIT peut être efficace pour traiter les lésions précancéreuses et les cancers de l'homme quand une perte de FHIT est impliquée », estiment les auteurs. Ils rappellent en effet que des altérations du transcrit FHIT ont été décrites dans 86 % des cas de métaplasie de Barett (lésion précancéreuse de l'estomac) et dans 93 % des cas d'adénocarcinome de l'œsophage.
Autre domaine : le cancer du poumon. En effet, les auteurs ont déjà montré que la plupart des lésions précancéreuses et plus de 85 % des cancers pulmonaires squameux ont une perte de l'expression de FHIT. De plus, la perte de cette expression est plus fréquente chez les fumeurs. « Etant donné que FHIT est perdu très précocement dans la carcinogenèse pulmonaire, l'apport du gène FHIT a été suggéré comme une stratégie thérapeutique, aussi bien que comme un traitement préventif. »
« Proc Natl Acad Sci USA », 2001, vol. 2, n° 8.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature