P LUSIEURS années après un attentat, la santé des victimes est sévèrement altérée : séquelles psychologiques, atteintes auditives, handicaps multiples, bouleversement de la qualité de vie, conséquences socioprofessionnelles graves.
Un tiers des victimes présentent, plusieurs années après, un état de stress post-traumatique, près de la moitié souffrent de troubles dépressifs. Ces résultats, issus de l'étude ECSAT (étude épidémiologique des conséquences sanitaires des attentats), réalisée à l'initiative de l'association SOS-Attentats, viennent d'être rendus publics. Ils confirment la gravité des conséquences sanitaires des attentats et apportent des éléments objectifs sur leur fréquence, leur nature, leur spécificité et leur durée.
La vague d'attentats perpétrés en France en 1995 et 1996 a fait 12 morts et 544 blessés. Quatre-vingt-six pour cent de ces victimes (251) ont accepté de participer à l'étude épidémiologique transversale et rétrospective (données recueillies en 1998 en trois semaines), conçue par un comité scientifique international*. Plus des trois quarts font l'objet d'une expertise médicale du Fonds de garantie, du ministère de la Défense et de la Sécurité sociale.
Globalement, les victimes, deux et trois ans après ces attentats, sont en mauvaise santé. La moitié souffre d'une atteinte auditive sévère ; deux tiers ont des acouphènes handicapants ; 10 victimes ont une prothèse auditive. Soixante-dix pour cent souffrent de maux de tête, 50 % de vertiges, 20 % de troubles de la vue. L'importance de la consommation d'antalgiques observée (25 % des sujets) va de pair avec la fréquence des douleurs alléguées (une victime sur deux).
Un tiers des sujets se plaignent d'une atteinte de l'apparence physique, génératrice de perturbations de la vie relationnelle.
Quelques travaux, principalement anglo-saxons, avaient déjà montré la capacité des traumatismes collectifs à induire des conséquences psychologiques durables chez les victimes ; l'étude ECSAT est le deuxième travail français à souligner et à évaluer objectivement le lien étroit entre les séquelles physico-sensorielles et les conséquences psychiques.
Spécificités des attentats
Cinquante pour cent environ des victimes souffrent de troubles dépressifs. La fréquence et l'intensité de ces troubles sont deux fois plus grandes que ce qui peut être observé chez des victimes d'une catastrophe naturelle (comparaison avec une enquête réalisée en 1997 dans une commune du Vaucluse inondée).
Trente et un pour cent des sujets ont un état de stress post-traumatique (anxiété sévère associée à des reviviscences de l'événement, cauchemars, troubles neurovégétatifs, sentiment de menace permanente), syndrome dont le retentissement familial et socioprofessionnel est majeur et le pronostic sévère.
L'intensité de la souffrance psychique des victimes est nettement corrélée à la gravité des lésions initiales et à celle de leurs séquelles, à l'existence d'une atteinte auditive, de l'apparence physique. L'ensemble de ces troubles est associé de manière cohérente et logique à des altérations du fonctionnement familial et social. Une victime sur cinq a perdu son travail, du fait de l'attentat. Dans un cas sur deux, l'attentat a eu des répercussions financières. 10 % des sujets se sont séparés de leur conjoint, du fait de l'attentat, et 25 % ont vu leurs relations avec les autres profondément modifiées.
Alerter les pouvoirs publics
La gravité et la fréquence des conséquences psychologiques, du handicap psychosocial persistant deux et trois ans après ces attentats rendent nécessaire une prise en charge adaptée et prolongée des victimes. Reste à préciser la nature exacte de cette prise en charge et à savoir repérer les sujets les plus à risque. Des études complémentaires sont d'ores et déjà envisagées par le comité scientifique pour approfondir les données issues de l'étude ECSAT.
SOS-Attentats souligne la nécessité d'améliorer la prise en charge médico-psychologique des victimes, au-delà de la période qui suit immédiatement le traumatisme, pendant laquelle la mobilisation sociale est intense et empathique. Cette association de victimes appelle les pouvoirs publics à encourager la formation des praticiens et les recherches dans ce domaine, afin d'aider les victimes d'attentat mais aussi celles de catastrophe naturelle ou d'accident de la route.
* Présidé par le Pr F. Rouillon, le comité scientifique est composé des Prs G. Barrier, F. Lebigot, D. Lamping, des Drs E. Barrufol, S. Benayoun, M. Evrard, Ph. Rondet, P. Verger et de Mmes F. Lert, J. Groult, E. Chambon.
Depuis 1986
SOS-Attentats, créé en 1986, regroupe les victimes du terrorisme et leur famille. Elle assure une aide aux victimes et une présence active dans les instances officielles, se porte partie civile dans les procédures judiciaires liées au terrorisme, est à l'origine de plusieurs études sur les préjudices subis par les victimes. Sous la responsabilité de Françoise Rudetzki, cette association a obtenu par son action l'assimilation du terrorisme à une nouvelle forme de guerre.
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