Classique
Par >Olivier Brunel
P OUR sa douzième édition, le concours - qui a pour but de récompenser des amateurs de très haut niveau, quasi professionnel - a vu défiler cent candidats venant de vingt-huit pays. Les cinq finalistes étaient trois Américains, un Italien et un Français. Ils ont dû vaincre le double handicap d'une salle à l'acoustique sèche et d'un piano un peu trop dur, ferrailleur même au-delà d'un certain niveau sonore.
C'est un Vénitien, ingénieur en architecture, Rodrigo Basilicati, qui a ouvert la finale, avec un jeu d'une belle sonorité, mais un toucher, une articulation souvent trop durs ne convenant ni à la « Chaconne », de Bach-Busoni, ni à la « Fantaisie - Impromptu », de Chopin.
Puis ce fut l'Américain Paul Doerrfeld, directeur d'une entreprise métallurgique à Chicago, qui, après un « Nocturne », de Fauré, très stylé, a donné des sueurs froides au public en ne pouvant vaincre un trou de mémoire dans la redoutable « Sonate », de Samuel Barber. Puis vint un second Américain, Gregory Adams, restaurateur à Manitou Springs, le Megève du Colorado. Déjà inscrit l'an dernier, il n'avait pu concourir, ayant été peu avant mordu par un ours entré à l'improviste dans son restaurant ! Pour avoir vaincu un ours, Gregory Adams ne s'est laissé impressionner ni par le public ni par le piano, et a donné un programme varié avec les « Variations sérieuses », de Mendelssohn, jouées un peu brutalement, mais avec conviction, des « Jeux d'eau », de Ravel, magnifiques de sonorité et d'assurance, et une époustouflante « Sixième Rhapsodie hongroise », de Liszt. Un pianiste de tempérament qui vous force à l'écouter et à le suivre, même dans d'indiscutables erreurs de style.
Il est rare que notre profession médicale ne soit pas représentée à ce concours. Ce fut le cas, encore cette année, avec un jeune interne en médecine des Hôpitaux de Paris, le Français Jean-Barthélemy Gnakamené, qui se destine à la cardiologie. Il a joué avec beaucoup de sang-froid, de style, une sonorité claire et un swing très approprié le « Concerto italien », de J.S Bach. Puis, passant aux bien inutiles difficultés de ce genre, il s'est un peu perdu dans l'« Etude-Tableau » opus 39/3, de Rachmaninov.
Le troisième Américain, Steven Ryan, consultant en informatique à New York, après une « Suite française n° 6 », de J.S Bach, un peu molle de tempi, a montré des qualités pianistiques indiscutables, perfection du jeu, sonorité royale, style superbe, dans un programme idéal pour en faire le tour, comprenant le « Capriccio » opus 116/3, de Brahms, « Ondine », de Ravel, magistralement interprété, et une ahurissante « Danza Argentina n° 3 », de Ginestera, compositeur souvent défendu par la pianiste argentine Martha Argerich, où, au contraire des « Etudes », de Rachmaninov, la virtuosité n'est jamais gratuite, et qu'il a surmontée avec une aisance confondante.
Le jury de professionnels, où siégeaient, entre autres, pianistes et professeurs, Anne Queffelec, Maciej Pikulski, Gabriel Tacchino, Eric Heidsieck, Marc Laforet, n'a pas pu départager les deux Américains, Gregory Adams et Steven Ryan, à qui ils ont accordé ex aequo le premier prix d'une valeur 10 000 F. Il a accordé le troisième prix à notre confrère Jean-Barthélemy Gnakamené. Le jury de la presse musicale ainsi que le public invité à voter ont, eux, opté pour l'indiscutable professionnalisme de Steven Ryan.
Un hommage à Jerome Robbins
L E Ballet de l'Opéra de Paris consacre, sur la scène du palais Garnier, une soirée entière au chorégraphe américain Jerome Robbins, disparu en 1988. Cette troupe qu'il aimait et à qui il a confié au fil des années ses plus belles chorégraphies, fera à cette occasion entrer à son répertoire « the Cage » sur une musique de Stravinski.
Jerome Robbins, coauteur avec Leonard Bernstein, d'un des plus grands succès du siècle, le musical « West Side Story », était le dernier grand créateur néoclassique depuis George Balanchine, avec qui il avait partagé la direction du New York City Ballet.
Chorégraphe d'une fraîcheur inaltérable et d'une rigueur impeccable, il a créé de nombreux ballets pour la troupe de l'Opéra de Paris. Notamment sa plus belle chorégraphie, « In the Night » (1970), sur la musique de Chopin, tout comme « Other Dances » (1976), qui ouvriront ce spectacle, avec la complicité du pianiste Henri Barda.
« The Cage », sur le concerto pour orchestre à cordes en ré majeur d'Igor Stravinski, créé à Paris en 1951 par le New York City Ballet, entrera au répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris dans un décor de Jean Rosenthal et des costumes de Ruth Sobokta.
Puis on nous montrera, pour conclure, le Robbins plus humoristique des années cinquante, avec « The Concert » (1956), pièce un peu longuette, mais au regard très décalé sur la musique de Chopin de la part d'un homme qui l'avait tant aimé.
Palais Garnier (08.36.69.78.68), les 15, 16, 17, 19, 20, 21, 23, 24, 28 février et 8 mars, à 19 h 30 ; les 25 février et 4 mars, à 15 h. Prix des places : de 30 à 395 F.
« Paquita », de Pierre Lacotte, au Palais Garnier
Monstre bicéphale
Le Ballet de l'Opéra de Paris vient de ressusciter « Paquita », un ballet pantomime de l'époque romantique française. C'est le chorégraphe Pierre Lacotte qui s'est chargé de ce travail de restauration de l'original parisien, complété de l'ajout russe de Marius Petipa. Il en résulte un curieux hybride en deux parties si peu cohérentes que l'on a l'impression d'assister successivement à deux spectacles différents.
C REE en 1846 à l'Opéra de Paris-Salle Le Peletier, par Carlotta Grisi et Lucien Petipa, « Paquita », ballet pantomime sur une musique de Deldevez et une chorégraphie de Joseph Mazilier, sacrifiait à la fois à la mode des espagnolades et aux histoires de gitans alors très prisées du public. A peine engagé au Ballet impérial de Saint-Pétersbourg, le jeune Marius Petipa remontait en 1847 ce ballet et plus tard, en 1881, lui ajoutait un brillant divertissement à la russe, remaniant le pas de deux de Mazilier, sur une musique de Ludwig Minkus. Cet ajout de Petipa a survécu au ballet lui-même, présenté seul en gala ou lors de spectacles en plusieurs parties, avant que Pierre Lacotte ne retrouve en Allemagne le matériel nécessaire à la résurrection du tout en une seule soirée que vient de présenter le Ballet de l'Opéra de Paris.
La première partie nous plonge dans un univers napoléonien, fort bien évoqué dans un style rétro, avec ses décors à l'italienne par la décoratrice Luisa Spinatelli. On y raconte une sombre histoire d'enfant enlevé par des gitans, qui se trouve être la cousine d'un jeune officier, qui en est amoureux. Cependant, elle est tombée sous l'emprise d'un des gitans... Un parfait mélodrame qui, heureusement, finit bien. Les péripéties sont nombreuses et font appel, au second tableau, à un imbroglio, mimé à l'aide de pantomimes dignes des Marx Brothers.
Lors de la seconde partie, celle signée Petipa et Minkus (la musique soudain devient moins conventionnelle), tout s'arrange lors d'un somptueux bal qui comprend beaucoup d'invraisemblances et, outre le fameux pas de deux, une délicieuse mazurka dansée à ravir par les enfants de l'Ecole de danse de l'Opéra. La subtile chorégraphie réglée par Pierre Lacotte, assisté par l'étoile Elisabeth Platel, est parfaite. L'interprétation, même si elle ne fait pas appel à des sentiments complexes ni à des situations psychologiques raffinées, est superlative. La première des quatre distributions, affichait la première danseuse Clairemarie Osta, Paquita pleine de grâce et très à la hauteur des difficultés techniques, très bien appariée au danseur étoile Manuel Legris. Le rituel pas de trois était magnifiquement dansé par Laëtitia Pujol, Mélanie Hurel et Emmanuel Thibault et l'ensemble du Ballet, comme toujours, était parfait.
La réalisation musicale de David Coleman et les superbes costumes également signés Luisa Spinatelli ajoutent à l'atmosphère de perfection d'une production qui devrait, avec « La Sylphide » également réalisée par Pierre Lacotte, rejoindre le volet muséographique du répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris.
Opéra Garnier (08.36.69.78.68). Dernière représentation le 12 février à 19 h 30. Prix des places : de 30 à 395 F.
Iannis Xenakis, un homme-orchestre à la pointe de la recherche
Le compositeur Iannis Xenakis, d'origine grecque et naturalisé français en 1965, est mort à l'âge de 78 ans des suites d'une longue maladie, à son domicile parisien.
Mathématicien, architecte et musicien de formation, cette figure de la musique contemporaine, qui avait étudié la composition avec Honegger, Milhaud et Messiaen, a fait d'abord appel aux ressources de l'électroacoustique, puis à celles des instruments de l'orchestre traditionnel, avant d'avoir recours aux ordinateurs pour certaines de ses compositions.
Né dans une famille d'armateurs grecs en Roumanie, le 29 mai 1922, il s'est d'abord destiné à la carrière d'ingénieur à l'Ecole polytechnique d'Athènes. Lors de l'invasion de la Grèce par les troupes de Mussolini, en 1941, il dut interrompre ses études pour s'engager dans la résistance communiste. Atteint au visage par un éclat d'obus le 1er janvier 1945 et condamné à mort par contumace, il se réfugie en France en 1947. Il y rencontre Le Corbusier, dont il devient l'un des disciples, avec qui il a créé le pavillon Philips de l'Exposition universelle de Bruxelles de 1958. Dans le même temps, il renoue avec la musique aux côtés d'Arthur Honegger, de Darius Milhaud et surtout d'Olivier Messiaen. « Metastasis » le rend célèbre au Festival de Donaueschingen en 1955, où elle fait scandale. Il évolue ensuite vers d'autres recherches, associant musique et lumière ou s'inspirant des forces naturelles de la Grèce antique pour créer une uvre « très forte, pleine d'énergie primaire », selon le musicologue Makis Solomos, spécialiste de Xenakis. Marquées par ses années de lutte, ses uvres ne sont jamais désincarnées, comme en témoigne « Nuits » (1967), hommage aux prisonniers politiques, d'une force tellurique.
Membre de l'Académie des beaux-arts, docteur ès lettres et officier de la Légion d'honneur, Iannis Xenakis a également enseigné aux Etats-Unis et en France. Il a reçu en 1999 de l'Académie royale de musique de Suède le prix Polar, considéré comme le « Nobel de la musique ».
« L'Or du Rhin » à Toulouse
Pour tout l'or du Rhin, Nicolas Joël, qui a commencé la mise en scène de sa Tétralogie toulousaine, l'an dernier, avec « la Walkyrie », première journée de « l'Anneau des Nibelungs », n'aurait oublié d'en donner le prélude « Das Rheingold ». Ce sera chose faite du 16 au 25 février au Capitole, dans des décors d'Ezio Frigerio et sous la baguette de Pinchas Steinberg avec dans les rôles divins : Robert Hale (Wotan), Robert Bork (Donner), Christer Bladin (Froh) et Chris Merritt (Loge).
Théâtre du Capitole (05.61.22.24.30), les 16, 20 et 23 février, à 20 h 30 ; les 18 et 25, à 15 h.
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